FranceLe fondateur du groupuscule d’ultradroite OAS condamné à 9 ans
La justice a émis un jugement considéré par la Défense comme «sévère» à l’encontre de Logan Nisin, dont l’organisation préparait des attentats imminents.
Le tribunal de Paris a condamné mardi Logan Nisin, le jeune fondateur du groupuscule d’ultradroite OAS, à neuf ans d’emprisonnement ferme avec maintien en détention, lors du premier procès pour terrorisme d’ultradroite jugé en France depuis 2017.
Le tribunal a aussi reconnu coupables «d’association de malfaiteurs terroriste» cinq autres prévenus, âgés de 23 à 33 ans, prononçant notamment une peine de sept ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt pour Thomas Annequin, le numéro 2 du groupuscule Organisation des Armées sociales.
Le parquet avait requis dix ans d’emprisonnement contre Logan Nisin, et huit ans contre Thomas Annequin.
Derrière la vitre des prévenus, le condamné, sagement coiffé et vêtu d’une chemise, a été pris de tics à l’annonce du jugement, clignant frénétiquement des yeux.
Structure calquée
«Loin d’un projet politique fantasmé», la «nouvelle OAS» a été conçue en «calquant la structure de l’Organisation armée secrète de 1961», groupe politico-militaire responsable d’une répression sanglante dans les années 60 contre l’indépendance de l’Algérie, a estimé le président de la chambre en lisant son jugement.
Dans ce dossier, «tout atteste de l’imminence du passage à l’acte», «l’OAS a été créée comme une armée de défense prête le cas échéant à déstabiliser les institutions», «à fracturer le corps social», a poursuivi le magistrat, en rappelant ses «appels à la rébellion», ses «incitations à tuer» ou ses projets de racket d’entreprises pour financer des armes.
Logan Nisin avait été interpellé en juin 2017, les autorités s’inquiétant de son activité sur Facebook où il animait un groupe de «supporters» d’Anders Behring Breivik, auteur néonazi de la tuerie qui a fait 77 morts en Norvège en 2011.
Mélenchon ciblé?
Les enquêteurs avaient ensuite découvert l’existence de son OAS, qui voulait «enclencher la +remigration+ basée sur la terreur», en prévoyant de s’en prendre à des personnes arabes, noires ou encore des personnalités politiques comme Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement macroniste.
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise, avait aussi été cité comme cible potentielle. Ce dernier, entendu lors du procès, avait demandé à se constituer partie civile.
Mardi, sa requête a été jugée recevable par le tribunal, reconnaissant un «préjudice d’angoisse qui peut être accru» par la médiatisation de l’affaire. Après l’avoir étudiée, le tribunal a toutefois débouté M. Mélenchon de sa demande, jugeant que, contrairement à d’autres projets d’action violente, «aucun élément matériel» n’avait pu être démontré à son encontre.
Jurisprudence
«Leur responsabilité personnelle ne saurait être diluée dans une stratégie globale désincarnée: ils ont tous, et collectivement, incarné l’OAS», a jugé le tribunal, les reconnaissant tous coupables.
La décision de la 16e chambre correctionnelle de Paris était très attendue: le dossier OAS est le premier à être jugé sur les sept enquêtes ouvertes par le parquet antiterroriste depuis 2017 concernant des projets d’attentats d’ultradroite.
Dans son réquisitoire, la procureure avait exhorté le tribunal à rendre un jugement exemplaire pour contrer la «montée en puissance exceptionnelle de la menace portée par la mouvance d’ultradroite».
Depuis 2017, 48 personnes ont été mises en examen par le parquet antiterroriste dans des projets d’attentats imputés à l’ultradroite. Un terrorisme que la procureure avait comparé au terrorisme islamiste, décrivant «deux faces d’une même pièce fanatique».
Me Gabriel Dumenil, qui défend Romain Pugin condamné mardi à cinq ans d’emprisonnement, a lui décrit un «jugement sévère». «La qualification juridique, notamment de terrorisme, n’apparaît pas du tout aussi claire. Il s’agit d’un jugement qui a été rendu pour marquer une position jurisprudentielle s’agissant de procès à venir», a-t-il estimé auprès de l’AFP.
Antony Bongianino, condamné à cinq ans d’emprisonnement dont un avec sursis, a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel. «Il me semble que les juges ont cédé à la pression de l’opinion publique», a déclaré à l’AFP son avocat Mourad Battikh.
Des peines d’emprisonnement à réaliser sous détention à domicile sous surveillance ont aussi été prononcées contre deux autres prévenus.