Jura bernois«Je n’ai pas été invité au British Museum»
La main d’or découverte à Prêles par le détectoriste Massimo Beck est exposée à Londres, mais lui doit se contenter… d’une amende!
- par
- Vincent Donzé
Le Service archéologique du canton de Berne fait un trophée de la main d’or découverte il y a cinq ans à Prêles par deux détectoristes amateurs occupés à dépolluer un champ agricole. Depuis une semaine, cet artefact de 3500 ans est exposé au British Museum de Londres. Mais dans l’exposition «The World of Stonehenge», il n’est fait aucune mention de ceux qui l’ont découvert.
Deux jours après sa découverte, à l’automne 2017, la «Main de Prêles» a été remise un lundi au Service archéologique du canton de Berne. En échange, le canton a… porté plainte contre les détectoristes, accusés d’avoir effectué des fouilles sans autorisation.
2500 francs
Reconnu coupable d’infraction à la Loi sur la protection du patrimoine, Massimo Beck a écopé d’une amende de 2500 francs, peine confirmée en deuxième instance par la Cour suprême bernoise, avec en prime 5050 francs de frais de justice. Le canton a réclamé le remboursement des fouilles induites par cette découverte, mais la justice a rejeté cette prétention civile de 171’000 francs!
«Je n’ai pas été invité au British Museum», commente Massimo Beck, narquois. Avec son salaire de représentant, il renoncera à un aller-retour à Londres. Ce détectoriste répète ce qu’il a toujours dit: «Je suis heureux de voir le public profiter de cette trouvaille».
Grande vitrine
«C’est impressionnant parce que la main est exposée dans une très grande vitrine et offre un nouvel aperçu sur une époque peu connue», a indiqué à la «Berner Zeitung» l’archéologue cantonal Adriano Boschetti. «À ma connaissance, aucun autre objet de notre collection n’a fait un tel voyage par le passé», a précisé sa collaboratrice Sabine Brechbühl.
La main d’or fournit un éclairage nouveau sur l’âge du bronze en Europe centrale. Des experts internationaux se sont penchés sur ce fragment rare. Selon les connaissances actuelles, l’objet a été fabriqué entre 1500 et 1400 avant Jésus-Christ.
À Londres, la relique est présentée comme une possible prothèse d’un guerrier qui aurait perdu une main lors d’un conflit. Elle pourrait aussi avoir été portée comme un symbole de pouvoir. Le bandeau doré posé sur le bronze étant orné de symboles solaires, la main pourrait avoir une signification religieuse ou cosmologique.
Selon les experts, la main de 1,5 kg pouvait être un emblème au bout d’une tige dans un contexte de campagne militaire, mais il est possible que le plat de la main ait servi de réceptacle à des offrandes. Conservateur du musée londonien, Neil Wilkin, a déclaré au journal «The Telegraph» qu’il n’avait «jamais vu quelque chose de comparable».
Jusqu’au 17 juillet
Le cuivre proviendrait du Val d’Anniviers, en Valais, ou des Alpes françaises. L’étain serait des Cornouailles, à l’extrémité sud-ouest de l’Angleterre, tandis que l’or pourrait être d’Irlande. Au British Museum, la main restera exposée jusqu’au 17 juillet dans le cadre de l’exposition «Le monde dans l’ivresse du bronze».
«Honnêtement, c’est fantastique que la main de Prêles se retrouve au British Museum. C’est exactement là où elle doit être», a confié Massimo Beck au «Journal du Jura».
Époque énigmatique
Sa découverte sera présentée l’an prochain au Musée d’histoire de Berne. «La main de bronze ouvre une fenêtre sur une époque énigmatique et émouvante de l’histoire de l’humanité», a indiqué son directeur Thomas Pauli-Gabi.
«Je ne fais pas, et je n’ai jamais fait de fouilles archéologiques», répète Massimo Beck S’il n’avait pas découvert la main à une profondeur de 20 à 30 cm, contre 50 à 150 cm pour l’archéologie, ce trésor unique en Europe aurait pu passer dans la charrue d’un paysan.