Chanson romandeHommages à Michel Bühler: «Il était le chanteur de nos luttes»
Josef Zisyadis, Henri Dès ou encore Marc Aymon adressent un dernier message au musicien vaudois, décédé lundi à 77 ans.
- par
- Laurent Flückiger ,
- Fabio Dell'Anna
Le chanteur romand Michel Bühler est décédé lundi 7 novembre 2022, à la suite d’une crise cardiaque. Né à Berne en 1945, il s’était fait connaître dans les années 1970 et les suivantes par ses chansons engagées (il en a écrit plus de 300), sa poésie, ses talents de compositeurs et de dramaturge.
Amis et artistes lui adressent un dernier hommage.
Marc Aymon, artiste
«Il a encore joué jeudi dernier, il nous a tous retournés, il a été incroyable»
On a encore chanté avec lui, jeudi dernier, à Nyon. Il y avait Aliose, Jérémie Kisling, Milla et François Vé. Il nous a tous retournés, il a été incroyable. Et il a eu un mot tendre pour chacun d’entre nous. Michel a répondu présent, comme toujours, et d’une manière entière.
C’était quelqu’un de vrai. Je me souviens des sessions d’enregistrement de «Glâneurs». Il était content que des jeunes artistes l’embarquent dans cette aventure. Il s’est posé à un coin de table avec sa guitare, il a joué 15 chansons, on a bu un verre, c’était un moment d’amitié privilégié.
Josef Zisyadis, ancien politicien
«Il était celui qui nous a toujours accompagnés, enchantés en permanence»
Il était le chanteur de nos luttes, des émigrés, des ouvriers, sur les questions climatiques aussi. Celui qui nous a toujours accompagnés, enchantés en permanence. Je l’ai connu à Paris quand j’étais pasteur, il a toujours apporté son coup de main. Je me souviens qu’il avait chanté «Bella Ciao» lors de mon élection au Conseil d’État vaudois. Il était d’une fidélité extrême.
Je regrette qu’on ne lui ait jamais donné un prix, par exemple de la part du canton de Vaud. Il le méritait. On avait prévu de se voir la semaine prochaine pour un souper. C’est tellement soudain!
Henri Dès, artiste
«Lorsqu’il faisait quelque chose, c’était toujours avec le cœur»
Quelle tristesse! Je l’ai encore vu il y a deux semaines avec Marc Aymon pour faire des photos. Il était bien. On a bavardé. C’était vraiment un bon copain. Je regrette beaucoup Michel, c’était un type bien. Nous faisons partie des chanteurs de la génération des années 60-70, avons commencé notre carrière plus ou moins au même moment. Nous étions alors jeunes et nous interprétions les deux des chansons pour adultes. Puis chacun a fait son chemin de son côté. Lui a pris un tournant honorable et honnête.
Il a toujours été très authentique. Lorsqu’il faisait quelque chose, c’était toujours avec le cœur et il a réussi à trouver son public de cette manière.
Bernard Pichon, ex-présentateur de la TSR
«J’ai été l’un des premiers à accueillir Michel dans les médias»
La nouvelle m’attriste beaucoup. J’ai été l’un des premiers à accueillir Michel dans les médias lorsqu’il venait de quitter la voie de l’enseignement pour se lancer dans la chanson. C’était dans mon émission télé «Samedi-Jeunesse». Quand j’avais présenté une édition du Festival de la Chanson de Spa, en Belgique, j’avais été touché par son trac lors de sa prestation. Il en avait oublié les paroles.
Dans la discussion, il se situait bien davantage dans la chanson à texte plutôt que dans la variété. Il m’est arrivé de travailler pour Radio Canada, au début des années 80, et j’avais été surpris par sa notoriété dans le milieu des artistes poètes québécois correspondant à son style, Vigneault, entre autres… Je crois qu’il a beaucoup souffert des diffusions jugées trop «parcimonieuses» de son répertoire sur les ondes de notre radio. Nous avions en commun un grand amour pour un poème d’Aragon mis en musique par Jean Ferrat, «Au bout de mon âge», dont le dernier couplet prend un sens particulièrement profond aujourd’hui: «Il m’a fallu naître. Et mourir s’ensuit. J’étais fait pour n’être que ce que je suis: une saison d’homme entre deux marées, quelque chose comme un chant égaré…»
Thierry Romanens, artiste
«Il était le grand frère de pas mal de chanteurs»
Nous avions une amitié toute vaudoise: pudique et quasi jamais exprimée. Il avait une espèce d’intégrité que j’ai ressentie tout au long de sa vie. En musique, c’est la référence en Suisse, le grand frère de pas mal de chanteurs. Malheureusement, dans son pays, ce n’est souvent qu’à la mort qu’on nous accorde enfin le statut après lequel on court tout le temps.
Rachel Gueissaz, municipale de Sainte-Croix (VD) en charge de la Culture
«Un amoureux de la vie»
Enfant de Sainte-Croix, artiste aux multiples talents, Michel a été une figure marquante de la chanson romande et de notre Balcon du Jura. Je garderai de lui l'image d'un homme profondément engagé au niveau social, culturel et politique. Mais également celle d'un amoureux de la vie, de son Jura, dont la passion, l'humour et le verbe ont su toucher les gens qui l'ont côtoyé. Toutes mes pensées vont à sa famille et ses amis..
Nuria Gorrite, conseillère d’État vaudoise en charge de la culture, par communiqué
«Je salue la mémoire d’un véritable ambassadeur de la chanson francophone, un artiste complet d’une modestie toute vaudoise, doublé d’un humaniste, engagé dans plusieurs causes, notamment la défense du droit d’asile, rêveur d’un monde plus solidaire».
Alizé Oswald et Xavier Michel du groupe Aliose, artistes
«C'est l'un des patriarches de la chanson suisse qui s'éteint aujourd'hui»
Nous avons appris la triste nouvelle qui nous a beaucoup touchés en milieu de journée. Nous ne nous étions pas croisés très souvent, mais nous partagions la scène avec lui il y a moins d'une semaine pour un évènement rempli d'émotion. C'est l'un des patriarches de la chanson suisse qui s'éteint aujourd'hui. Nous venons de là, de cette chanson qui se suffit à elle-même: une voix, une guitare, et des choses à dire. Nous avons un grand respect pour sa carrière, et pour ses nombreux engagements. Nous pensons aujourd'hui à sa famille et à ses proches.