Turquie: Début officiel d’une campagne à risques pour Erdogan

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TurquieDébut officiel d’une campagne à risques pour Recep Tayyip Erdogan

La présidentielle turque aura lieu le dimanche 14 mai. Le chef de l’État est à la traîne dans les sondages, freiné par les conséquences du séisme du 6 février et la crise économique.

Selon un sondage, 51,8% des électeurs souhaitent voir le chef du CHP (le principal parti d’opposition), Kemal Kiliçdaroglu (photo), à la présidence, contre 42,6% pour Recep Tayyip Erdogan.

Selon un sondage, 51,8% des électeurs souhaitent voir le chef du CHP (le principal parti d’opposition), Kemal Kiliçdaroglu (photo), à la présidence, contre 42,6% pour Recep Tayyip Erdogan.

via REUTERS

Vingt ans de pouvoir, et il en redemande: le président Recep Tayyip Erdogan se rend de nouveau dans le sud de la Turquie, meurtri par le séisme du 6 février, pour lancer, vendredi, la campagne officielle en vue de sa réélection, qui s’annonce à haut risque. Comme à Gaziantep, le chef de l’État multiplie, à six semaines du scrutin, les promesses de reconstruction et les visites dans les tentes aux rescapés du séisme du 6 février (plus de 50’000 morts, trois millions de déplacés et des centaines de milliers de familles sinistrées), serrant contre lui les vieilles femmes en fichu et les enfants.

Mais pas sûr que cette empathie démonstrative suffise cette fois, face à la crise économique, à l’inflation à deux chiffres, qui appauvrit les classes moyennes, et aux conséquences du tremblement de terre, qui a laminé l’économie et l’emploi dans les onze provinces touchées.

Les Kurdes appuient Kemal Kiliçdaroglu

Face à Recep Tayyip Erdogan, 69 ans, trois candidats validés, cette semaine, par la commission électorale, comptent bien lui compliquer la vie, avec un espoir de succès pour l’opposition. Selon un sondage de l’institut TAG Research, 51,8% des électeurs souhaitent voir le chef du CHP (le principal parti d’opposition), Kemal Kiliçdaroglu, à la présidence, contre 42,6% pour l’actuel chef de l’État.

Kemal Kiliçdaroglu – souriant sur ses affiches de campagne, sous le slogan «Bonjour, je suis Kemal, j’arrive!» – représente une alliance de six partis, de la gauche à la droite nationaliste, et a reçu le soutien tacite du parti prokurde HDP (de 10 à 13% des électeurs), dont le leader, Selahattin Demirtas, est emprisonné.

Quand le chef de l’État arpente le pays et semble omniprésent à la télévision, Kemal Kiliçdaroglu, économiste et ancien haut fonctionnaire de 74 ans, s’adresse sur Twitter à chaque segment de la société via des messages vidéo, depuis sa cuisine en formica et mal éclairée – 3,3 millions de vues pour le dernier, jeudi, à l’attention des femmes conservatrices.

L’importance du vote des jeunes

L’Eurasia Group, consultant en risques politiques, estime que depuis l’annonce de sa candidature, le chef du CHP n’a cessé «d’élargir sa base» (de 30 à 40% des intentions de vote) tandis que celle de Recep Tayyip Erdogan s’érode (de 60 à 50%). «Le principal défi de Kiliçdaroglu sera de gagner les électeurs anti-Erdogan – qui constituent la majorité –, sans déclencher de bagarres au sein de l’opposition», juge l’organisme. Autre composante, le vote jeune sera l’une des composantes importantes de cette élection: 70% du corps électoral a moins de 34 ans et six millions de jeunes Turcs voteront pour la première fois le 14 mai.

Outre la grave crise économique (plus de 50% d’inflation et jusqu’à 85% à l’automne) qui plombe le revenu des ménages, le séisme a fait apparaître les failles de l’État tout-puissant rêvé par Recep Tayyip Erdogan. Il a fallu trois jours pour déclencher les secours dans un pays hypercentralisé, puis des ratés sont apparus dans la distribution de l’aide, en particulier des tentes. Mais surtout, l’effondrement des maisons sur leurs habitants a révélé la négligence des secteurs immobilier et de la construction, ceux-là mêmes qui ont tiré la croissance sous Erdogan depuis 20 ans.

Fondations fragiles pour Erdogan

Le président Erdogan, qui avait fait campagne en 2003 sur les ruines du séisme de 1999 à Izmit (nord-ouest, 17’000 morts), en dénonçant l’impéritie du système, risque à son tour de payer pour ce sol turc toujours en colère. Alors qu’il célébrait, le 24 mars, le chantier d’un futur hôpital à Antakya, particulièrement dévastée, les caméras ont montré que l’édifice – censé ouvrir le 10 mai – n’avait aucune fondation. Comme ces résidences qui se sont couchées comme des Lego, le 6 février. D’ailleurs, comme un augure, la terre a de nouveau tremblé (4.6) vendredi, à Gaziantep, quelques heures avant l’arrivée du chef de l’État.

(AFP)

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