Emma Peters: «J’ai quitté mon taf avant d’avoir signé dans un label»

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InterviewEmma Peters: «J’ai quitté mon taf avant d’avoir signé avec un label»

La chanteuse de 25 ans a été révélée grâce à ses reprises à la guitare et compte -M- parmi ses fans. Elle ouvre les Francomanias de Bulle mercredi.

Fabio Dell'Anna
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Fabio Dell'Anna
Emma Peters sera en concert au Francomanias de Bulle à 20 h 15 à l’Hôtel de Ville.

Emma Peters sera en concert au Francomanias de Bulle à 20 h 15 à l’Hôtel de Ville.

Sébastien Anex

Connue pour ses reprises de K. Maro et de Claude François, la Lilloise Emma Peters, 25 ans, installe sa pop optimiste petit à petit dans les hauts des classements. Elle a grandi dans une famille de mélomanes où on écoutait beaucoup de chanson française. À 7 ans, elle commence la guitare, car son grand-père en joue souvent. «Plus tard, je me suis rendu compte qu’il n’était pas très doué», rigole-t-elle lors de notre rencontre cet été au Montreux Jazz. Le chant suivra naturellement.

Après plusieurs buzz sur YouTube et deux albums à son actif, elle poursuit sa tournée d’une cinquantaine de dates ce mercredi 31 août pour l’ouverture des Francomanias de Bulle, à 20 h 15 à l’Hôtel-de-Ville.

Votre première vidéo a eu du succès trois ans après sa publication. Il ne faut jamais perdre espoir…

(Rires.) Exactement. Il faut de la patience… J’ai posté cette reprise de Lartiste après un voyage entre potes. On écoutait souvent cette chanson et je leur ai envoyé la cover comme souvenir. Elles ont adoré et m’ont soufflé l’idée de la poster en ligne. Je l’ai publiée sur YouTube, mais à l’époque je n’avais pas beaucoup d’abonnés et je n’osais pas trop partager ma musique. Le titre circulait discrètement. Trois ans plus tard, des DJ en Russie ont remixé le morceau façon club et la publication a atteint rapidement des millions de vues. Des gens m’envoyaient des vidéos où l’on passait la chanson en boîte. Les radios s’y sont intéressées aussi. Le buzz a commencé dans les pays de l’Est, puis en France et ensuite aux États-Unis.

Vous n’aviez jamais pensé à une carrière de chanteuse?

Non. Je viens d’une famille de musiciens, mais pas du tout de professionnels. On écoute beaucoup de musique à la maison ou en voiture. Ma mère adore Véronique Sanson, elle m’a d’ailleurs transmis cette passion. Elle aime aussi Michel Berger et Michel Jonasz. Mon père apprécie Philippe Katerine, MC Solaar et Camille… Beaucoup de chanson française et de variété. Nous avons tous appris un instrument. En revanche, on ne m’a jamais présenté la musique comme un métier. Au contraire, c’est un sujet qui fait un peu flipper. Pour mes parents, il fallait que je fasse des études. J’ai un bac+5, j’ai étudié à Londres, puis j’ai travaillé à Paris. À côté, j’enregistrais mes reprises pour me faire kiffer. J’ai mis ensuite un album de covers en ligne et les labels ont commencé à frapper à ma porte.

«Le buzz a commencé dans les pays de l’Est, puis en France et ensuite aux États-Unis»

Emma Peters

Quel effet cela vous a fait d’avoir le choix entre plusieurs labels?

Comme j’étais très indépendante, j’ai refusé leurs offres à plusieurs reprises.

Vous ne vouliez pas que l’on dénature votre travail?

Exactement. Je ne voulais pas que l’on prenne le contrôle. Cela me faisait peur d’être noyée dans un système qui me dépasse complètement. Je me suis dit: «C’est mort. Jamais je ne signerai.» Jusqu’à ce que je rencontre Philippe Ascoli, qui a un CV de malade. Il m’a contactée sur Instagram de manière un peu décontractée et j’ai aimé. On a alors organisé un Zoom. Il était assez direct et enfantin. Il m’a expliqué qu’il était en train de monter un label et il voulait se faire plaisir en signant de nouveaux artistes. Je pensais qu’il allait vite me proposer un contrat et j’ai quitté mon taf sur un coup de tête après la réunion.

Avez-vous eu peur?

J’ai flippé ma race! Lorsque je suis allée au deuxième rendez-vous, Philippe Ascoli a écouté mes maquettes et il n’était pas du tout emballé. Il m’a dit: «Tes reprises sont cool, mais dans tes textes on ne retrouve pas ce que tu fais sur Internet.» Je suis rentrée chez mes parents et je leur ai expliqué toute l’histoire. Cela m’a inspiré la chanson «Fous» qui dit de ne pas devoir chercher à plaire à tout le monde. J’ai tout de même envoyé le son par fierté à Philippe et il m’a répondu: «C’est exactement pour ça que je t’ai mis un petit coup de pression.»

«23 h 02», la dernière chanson de votre album sorti cette année, est un peu un ovni. Le texte est franc et le son ne ressemble pas aux autres morceaux.

C’est normal, j’ai créé ce titre très rapidement. (Rires.) L’album avait treize chansons. Je ne suis pas superstitieuse, mais pour ce projet je me suis dit qu’il ne fallait pas que l’on prenne de risques. Je ne voulais pas supprimer un morceau, alors j’en ai créé un autre à la dernière minute. Tout a été fait chez moi. Quant au texte, c’est parce que je me pose beaucoup de questions sur ce qui se passe dans ma vie.

Vous chantez: «Est-ce que j’ai vraiment du talent ou est-ce la chance du débutant?»

Grave. Il y a toujours un doute. Est-ce que mon premier album est vraiment bien? Est-ce que je vais réussir à en faire un deuxième? Tu es tout jeune, tu es tout frais… Est-ce que je suis en train de vivre mon meilleur moment?

Où vous voyez-vous dans cinq ans?

Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire dans deux jours, alors dans cinq ans… J’aimerais bien encore vivre de ma musique, faire des salles plus grandes et rencontrer de plus en plus de monde. J’espère aussi que j’aurai sorti deux albums de plus.

De quoi rêvez-vous?

D’avoir du travail en continu. En ce moment, toute l’équipe est fatiguée, mais ça vaut le coup. J’ai croisé il n’y a pas si longtemps une collègue artiste que j’aime bien et elle m’a dit: «Je suis en vacances.» J’ai automatiquement sorti: «Putain, tu as trop de chance!» Elle m’a ensuite confié que son planning est vide pendant les quatre prochains mois.

C’est pour cela que vous avez décidé de sortir un titre inédit pour l’été, «C’est bon», au lieu d’exploiter votre album? Vous ne voulez plus vous arrêter de travailler?

On est des kiffeurs. (Rires.) J’ai écrit ce morceau sur un coup de tête et mes équipes m’ont dit qu’il était hypercool. Ils m’ont proposé de rentrer en studio, j’avais un jour de libre dans le mois. Tout s’est déroulé exactement comme je le souhaitais.

Parmi vos fans, vous comptez Matthieu Chedid. Racontez-nous votre première interaction.

Cette histoire m’hallucine. J’étais dans un van pour aller jouer à Marseille. Je reçois un appel d’un numéro que je ne connais pas et je me dis: «Oh merde! Personne ne m’a dit que j’avais une interview.» Je décroche et j’entends: «Bonjour, c’est Matthieu Chedid.» Et là, je fais de grands gestes pour que tout le monde arrête de parler. L’émotion monte – je suis fan depuis toute petite, j’avais des posters de lui dans ma chambre, j’écoutais ses albums sur mon iPod Nano et je suis allée à plusieurs de ses concerts. Je lui réponds timidement: «Bonjour monsieur.» Il me dit qu’il a entendu ma voix sur une vidéo et qu’il ne fait que très rarement ce genre d’appel. On a discuté pendant dix minutes et il m’a proposé de venir jouer sur l’une de ses dates – ce que j’ai fait. Au culot, je lui ai demandé de faire pareil pour moi. Et il est venu!

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