BrésilJair Bolsonaro se met à dos des juges en graciant un député
Pour avoir souhaité à des juges d’être notamment «tabassés dans la rue» et avoir fait l’éloge de la dictature militaire, Daniel Silveira avait écopé de plus de huit ans de prison. Il est «pardonné».
Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a engagé un nouveau bras de fer avec le pouvoir judiciaire en graciant, jeudi soir, un député condamné la veille à de la prison ferme par la Cour suprême, pour des propos antidémocratiques.
Publiée dans un décret au «Journal officiel», cette grâce présidentielle accordée à un député proche du chef de l’État a provoqué un tollé, l’opposition criant à la «rupture institutionnelle». Le parti Rede (centre gauche) a présenté, vendredi, un recours à la Cour suprême réclamant l’annulation de ce décret, qu’il juge «inconstitutionnel». Jeudi soir, dans son direct hebdomadaire sur Facebook, le président d’extrême droite a expliqué qu’il avait accordé sa grâce «au nom de la liberté d’expression, pilier essentiel de notre société».
Ancien policier, Daniel Silveira, 39 ans, avait été arrêté en février 2021, après avoir mis en ligne une vidéo truffée d’insultes à l’égard des juges de la Cour suprême, à qui il souhaitait notamment d’être «tabassés dans la rue». Dans cette même vidéo, il avait également fait l’éloge de la dictature militaire (1964-1985), dont le président Bolsonaro est lui aussi un fervent admirateur, déclarant que les magistrats de la plus haute juridiction du pays «ne servent à rien» et «devraient être destitués».
Barricadé dans son bureau
Il y a un mois, Daniel Silveira s’était barricadé dans son bureau au Parlement et y avait même dormi pour tenter d’échapper à la pose d’un bracelet électronique, avant de se résoudre à accepter cette mesure imposée par la Cour suprême dans l’attente de son jugement.
Ce jugement a eu lieu mercredi soir, et les magistrats, par une large majorité de dix votes contre un, ont condamné le député à huit ans et neuf mois de prison ferme et ordonné l’annulation de son mandat, tout en lui infligeant huit ans d’inéligibilité. «La Constitution ne permet pas d’utiliser la liberté d’expression comme bouclier pour un discours de haine et des attaques contre les institutions», a déclaré, lors de son vote, le juge Alexandre de Moraes.
Grâce rarissime
Les commentateurs politiques brésiliens ont souligné que la grâce présidentielle accordée par Jair Bolsonaro, à titre individuel pour une personne fraîchement condamnée, est un fait rarissime depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1988. Elle est habituellement accordée à titre collectif, au moment de Noël, à des personnes incarcérées en fin de peine.
Peu après son élection, en 2018, Jair Bolsonaro avait d’ailleurs assuré sur Twitter qu’il mettrait fin à cette pratique. Le président brésilien, qui compte briguer un nouveau mandat lors de l’élection d’octobre, entretient des relations houleuses avec la Cour suprême, qui a ouvert plusieurs enquêtes contre lui, notamment pour dissémination de fausses informations.