IncendiesLa lutte contre les feux progresse, les Algériens sous le choc
Depuis lundi, au moins 71 personnes ont péri en Algérie dans les feux de forêt, qui pourraient être d’origine criminelle.
La lutte contre les feux de forêt qui ravagent depuis cinq jours le nord de l’Algérie a progressé vendredi, notamment dans la région de Tizi Ouzou, la plus dévastée, en Kabylie, où la population est sous le choc.
Au moins 71 personnes ont péri depuis lundi dans ces incendies avivés par la chaleur extrême, selon le dernier bilan des autorités qui dénoncent une origine «criminelle». Il ne reste plus que trois foyers dans la préfecture de Tizi Ouzou, a tweeté la Protection civile en fin d’après-midi.
En revanche, pompiers et volontaires continuent de lutter contre 51 feux dans 16 préfectures, notamment à Béjaïa, Jijel et El Taref, à la frontière tunisienne. C’est cette dernière région, peu peuplée, qui a compté le plus grand nombre de départs de feu vendredi, selon le dernier bilan de la Protection civile. Au total, 76 incendies ont été éteints -- sur une centaine recensés jeudi dans tout le pays.
Face au drame, les manifestations de solidarité de la société civile se déploient sur le terrain et l’aide internationale s’organise.
144 largages vendredi
Au lendemain de l’intervention de deux bombardiers d’eau et d’un avion de liaison français en Kabylie, l’Algérie devait bénéficier du renfort de deux appareils en provenance d’Espagne et un de Suisse, selon le président Abdelmadjid Tebboune. L’arrivée des bombardiers d’eau a «soulagé la population», ont rapporté des témoins.
Selon Christian Mafré, chef du détachement Canadair français, arrivé jeudi avec sept autres pilotes, les bombardiers d’eau «ont fait 40 largages hier et 144 aujourd’hui, à raison de rotations de huit heures. On n’arrête pas, on est épuisés». «Ça se calme ce soir», a confirmé Christian Maffré avant d’ajouter: «La superficie qui brûle est énorme. Nous, essentiellement on a protégé les villages, donc on largue très près des villages, entre Bejaïa et Alger».
Le ministère algérien de la Défense a également fait état vendredi de la mobilisation de plusieurs hélicoptères lourds MI-26, d’origine russe. Selon le site spécialisé Mena Défense, l’armée algérienne compterait acheter huit bombardiers d’eau russes Beriev Be-200.
Au deuxième jour du deuil national décrété pour honorer les victimes, une prière de l’absent a été accomplie juste après la grande prière hebdomadaire musulmane du vendredi dans les mosquées d’Algérie.
«À Larbaa Nath Irathen, épicentre des incendies en Kabylie, les experts n’ont réussi à identifier que 19 corps sur 25», a affirmé à l’AFP Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH). «Les familles cherchent les leurs, cela rajoute de la peine à la peine», souligne-t-il. Le bilan risque de s’alourdir, car «il y a aussi des disparus», a témoigné par téléphone Djamel, un habitant du village.
Située sur des hauteurs, la commune de Larbaa Nath Irathen regroupe une vingtaine de villages qui vivent essentiellement de l’arboriculture de montagne. Les feux ont tout détruit.
«Chair calcinée»
«C’est horrible, il n’y a pas d’autres mots», s’insurge Djamel, un retraité, qui regrette le manque de préparation des autorités alors que les incendies sont récurrents. Résultat: des villages totalement évacués, des maisons brûlées, des cheptels carbonisés. Partout des scènes de chaos et de désolation. «Gouverner c’est prévoir. Sauf chez nous où on agit à chaque fois après la catastrophe quand le mal est fait», s’insurge le sexagénaire.
Venu à Alger mettre à l’abri sa famille avant de repartir pour aider sur le terrain, Mohand peine à raconter l’horreur: «Je n’ai jamais vu cela de ma vie. Des familles ont tout perdu. Absolument tout». «Je sens encore l’odeur de la chair calcinée. C’est insupportable», confie-t-il, la gorge nouée.
Plusieurs communes de la région de Tizi Ouzou sont sans électricité, ni gaz et téléphone. De nombreuses pompes à essence sont fermées après l’explosion d’une station-service à Aïn El Hammam qui a causé la mort de cinq membres d’une même famille qui étaient à bord de leur voiture.
Autre crainte exprimée par des villageois: le risque de recrudescence des cas de Covid-19. Dans la lutte contre les brasiers, les gestes barrière ne sauraient être respectés.
Pays le plus étendu d’Afrique, l’Algérie ne compte que 4,1 millions d’hectares de forêts, avec un maigre taux de reboisement de 1,76%. Chaque année, le nord du pays est touché par des feux de forêt. En 2020, près de 44’000 hectares de taillis sont partis en fumée.
Les incendies qui se multiplient à travers le globe sont associés à divers phénomènes anticipés par les scientifiques en raison du réchauffement de la planète.