Football - Analyse: Saint-Gall, retour en force

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FootballAnalyse: Saint-Gall, retour en force

Avec 7 points pris et 13 buts marqués en trois matches, les Brodeurs vivent un début d’année de feu. Alors qu’ils peinaient avant la trêve.

Valentin Schnorhk
par
Valentin Schnorhk
Le retour très naturel de Jordi Quintilla est l’un des symboles du redressement saint-gallois.

Le retour très naturel de Jordi Quintilla est l’un des symboles du redressement saint-gallois.

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Pas la peine de s’enfermer dans des clichés. On a beau le désigner «mercato d’ajustement» ou de «correction», le mercato d’hiver peut être interprété à son goût. À Saint-Gall, il est devenu synonyme de renaissance: Quintilla, Jankewitz, Toma, Von Moos, Lungoyi et Maglica ont donné un nouveau souffle aux Brodeurs. Ils ont tous, d’une manière ou d’une autre, contribué à l’excellent début d’année saint-gallois: en Super League, trois matches, sept points pris et treize buts marqués. À quoi il faut ajouter la qualification en demi-finales de Coupe de Suisse. Carton plein.

La victoire 5-1 de samedi contre Servette, qui succède à l’incroyable remontée contre Young Boys (de 0-3 à 3-3 le dimanche précédent). donne une certaine résonance à ces premières semaines. On envisage le retour d’un Saint-Gall compétitif, alors qu’il avait été sacrément poussif avant Noël. Quelles sont les raisons de ce redressement? Est-il uniquement imputable au recrutement? Ou Peter Zeidler a-t-il fait varier une approche pourtant très rigide? Décryptage.

Ce que Zeidler a changé

Peter Zeidler est de ces techniciens qui ne font pas beaucoup de concessions. Notamment lorsqu’il s’agit de discuter les principes. Globalement, ils sont les mêmes, qu’importe le contingent à disposition. Résumée grossièrement, l’approche Zeidler est héritée de Ralf Rangnick (dont il fut l’adjoint) et est reproduite par les équipes Red Bull: l’intensité est la valeur cardinale. On n’y renonce jamais. En revanche, il y a des éléments qu’on peut faire légèrement bouger. Le système en est un.

Depuis le début de saison 2019-20 (celle où Saint-Gall avait cru au titre jusqu’au bout), le 4-3-1-2 était quasi intangible. À de très rares exceptions près, qu’on compte sur les doigts d’une main. Comme en septembre avec un 4-1-4-1 assez attentiste et sans relief contre Bâle (défaite 2-0). Cette vérité n’est pas encore totalement balayée. Mais Zeidler a abordé ses deux premiers matches de l’année (le 5-1 à Lausanne et le 3-3 contre YB) avec un 4-3-3 très étroit. Signe que l’entraîneur allemand peut avoir de la souplesse, bien qu’il soit revenu à ses habitudes contre Servette samedi.

Même si ce 4-3-3 n’est, dans le fond, pas très éloigné du losange. Notamment sans ballon, où l’attaquant axial n’hésite pas à reculer sur le milieu adverse au pressing. Et puis, en phase offensive, son étroitesse permet de conserver de la densité dans l’axe. Mais il s’adapte sans doute beaucoup mieux à un effectif qui compte plus d’attaquants avec les arrivées de Von Moos et Lungoyi.

Symbole de la malléabilité saint-galloise, le 4-5-1 avec un bloc médian en deuxième période contre Servette. Besio, ailier droit, travaille sur Clichy.

Symbole de la malléabilité saint-galloise, le 4-5-1 avec un bloc médian en deuxième période contre Servette. Besio, ailier droit, travaille sur Clichy.

Reste que Peter Zeidler a commencé l’année en faisant preuve d’une certaine malléabilité. Et pas seulement en ce qui concerne le système. Tant contre YB que contre Servette, il a semblé vouloir s’adapter au match et au score, en revoyant son approche. Contre les Bernois, il fallait bien sûr se déséquilibrer un maximum pour espérer faire basculer le match. Cela lui a réussi, en empilant les joueurs offensifs. Face à Servette, c’est en acceptant de reculer son bloc en deuxième période, avec des ailiers plus larges sans ballon afin de gêner la liberté d’action des latéraux genevois et une pression beaucoup plus ponctuelle, qu’il a trouvé la réponse. Et qu’il a sans doute assuré une seconde période plus sereine.

Autre retouche, particulièrement remarquable sur ces premières journées: l’utilisation d’Isaac Schmidt en tant que latéral gauche. Depuis le départ l’été dernier de Miro Muheim, les Brodeurs n’ont trouvé personne qui incarne parfaitement ce rôle (que ce soit Kempter, Traoré ou Cabral). Le Vaudois a donc occupé ce poste sur les trois derniers matches, avec un certain succès. Principalement offensivement, bien sûr. Surtout par sa capacité à constamment orienter ses actions vers l’intérieur du jeu, à la manière d’un meneur excentré, qui serait positionné «faux-pied». Avec cet élément supplémentaire capable de fixer les défenses adverses dans l’axe, Saint-Gall s’ouvre encore plus d’espaces.

Ce qui n’a pas bougé

N’allez toutefois pas croire que Saint-Gall s’est réincarné en une autre espèce d’équipe. Non, les intentions, les qualités et les défauts restent identiques. En phase défensive, il y a toujours ce pressing hyper intense, qui a pour but de forcer la mauvaise passe, si possible dans le cœur du jeu. Il y a aussi cette activité à la perte de balle qui ne doit pas diminuer, surtout lorsque le but adverse est proche.

Mais il y a également des espaces qui s’ouvrent toujours dans le dos de la défense, que la vitesse de Stergiou ne parvient pas à combler à elle seule (surtout en l’absence de Fazliji). Lorsqu’il s’agit de défendre en reculant, la compacité peut être difficile à maintenir. Servette a ainsi passablement insisté là-dessus samedi (avec les longs ballons de Clichy et la présence entre les lignes de Cognat ou Schalk), et cela n’aurait pas été totalement scandaleux de voir les Grenat être à hauteur des Saint-Gallois à la pause.

Par contre, les principes offensifs demeurent toujours très précis: Saint-Gall est obsédé par le jeu intérieur, qui se veut direct et vertical. Il est ainsi régulièrement long, avec des deuxièmes ballons suivis en nombre. L’objectif étant de mettre un maximum de densité et d’intensité dans la zone du ballon, afin de maximiser les solutions et de contraindre l’adversaire à l’erreur. Les ailes ne sont ainsi occupées que par deux joueurs au maximum: les latéraux, ou des milieux, en cas de permutation. Et les débordements le long de la ligne de touche sont presque bannis.

Les trois shotmaps de Saint-Gall en 2022 en Super League: contre Lausanne, YB et Servette. Avec la grande majorité des tirs pris dans la surface, et le plus souvent dans l’axe du but.

Les trois shotmaps de Saint-Gall en 2022 en Super League: contre Lausanne, YB et Servette. Avec la grande majorité des tirs pris dans la surface, et le plus souvent dans l’axe du but.

Autrement dit, les Brodeurs centrent peu de loin. Parce que cela n’est pas réputé pour être très efficace. En fait, leurs actions ont toujours pour objectif d’être le plus «rentable» possible. Il s’agit toujours de s’ouvrir au mieux l’angle de frappe avant de tirer. Les cartes des tirs saint-gallois en ce début d’année révèlent ainsi des tentatives prises presque constamment depuis la surface (où il y a toujours une importante présence), dans l’axe du but. Take that for data.

Ce que les recrues ont apporté

Dans cet alliage entre ajustements récents et principes immuables, les arrivées de plusieurs nouveaux joueurs jouent aussi un rôle certain. Notamment en termes de variété: le profil de Julian von Moos, porté sur la profondeur et la verticalité, permet de diversifier les appels. Et d’être encore plus dangereux à la récupération du ballon, où seul Kwadwo Duah (4 buts en 3 matches) était vraiment pertinent avant Noël.

Alexandre Jankewitz a lui un style différent. Mais sa capacité à faire des différences sur un contrôle orienté ou sur une prise de balle permet de comprendre pourquoi Southampton avait un temps compté sur lui l’an dernier et pourquoi Mauro Lustrinelli en fait un incontournable de sa sélection M21. Avec déjà trois passes décisives mais surtout une recherche de la prise de risque qui lui permet de s’épanouir dans cette équipe. Cela ne porte pas toujours ses fruits, mais on assiste peut-être enfin à l’éclosion du Genevois.

D’autant plus qu’il se fond de plus en plus dans les principes de Zeidler. Comme Bastien Toma, dont la recherche de l’orientation vers l’intérieur et l’intensité qu’il est capable de déployer dans des espaces réduits semblent convenir parfaitement au projet. Intégration presque naturelle. Et immédiate, à l’instar de celle de Jordi Quintilla, dont le semestre à Bâle ne paraît pas avoir fait oublier les codes. Le printemps peut être verdoyant au Kybunpark.

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