GazaPressions étrangères et dissensions retardent l’offensive au sol
Alors que les forces israéliennes patientent aux portes de l’enclave palestinienne, les médias israéliens évoquent une «crise de confiance entre Benyamin Netanyahou et Tsahal».
Annoncée comme imminente, l’offensive terrestre israélienne dans la bande de Gaza n’a toujours pas été lancée, délai que des médias et experts israéliens attribuent aux pressions internationales, à des dissensions entre politiques et militaires, et à la délicate question des otages.
«Netanyahou est en colère contre les généraux»
Dix-huit jours après la pire attaque jamais lancée sur le sol israélien par le mouvement islamiste palestinien du Hamas, au pouvoir à Gaza, l’armée israélienne pilonne sans relâche la bande de Gaza. Pourtant, hormis quelques incursions, l’offensive terrestre annoncée n’a pas été lancée.
«Crise de confiance entre Benyamin Netanyahou et Tsahal», l’armée israélienne, écrit l’éditorialiste le plus célèbre d’Israël, Nahum Barnéa, dans le quotidien «Yediot Aharonot». «Le gouvernement a du mal à prendre des décisions agréées par tous sur les questions de l’heure», ajoute-t-il. Selon des sources gouvernementales et militaires citées par M. Barnéa, «Netanyahou est en colère contre les généraux, à qui il impute la responsabilité de ce qui s’est passé», ce qu’on nomme en Israël le «fiasco du 7 octobre». À droite et à gauche, les avis sont unanimes: «Les différends autour de ces opérations créent des tensions, notamment entre le premier ministre Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense, Yoav Gallant», écrit mardi l’éditorialiste Amos Harel dans le quotidien «Haaretz» (gauche).
«Le fait qu’il y ait des otages complique tout»
Comme le notent plusieurs commentateurs, la récurrence des communiqués officiels où il est question de convergence de vues au plus haut niveau serait révélatrice du caractère factice de ce «front uni». «Le premier ministre, le ministre de la Défense et le chef d’état-major travaillent en étroite et pleine coopération, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour mener l’État d’Israël à une victoire décisive sur le Hamas. Il existe une confiance totale et mutuelle entre eux», énonce ainsi un communiqué du Bureau de presse du gouvernement (GPO) publié mardi.
Patrick Bettane, spécialiste du renseignement au think tank israélien International Institute for Counter-Terrorism (ICT), confirme «ces dissensions autour d’une offensive terrestre». «Mais le fait qu’il y ait des otages retenus dans la bande de Gaza complique tout. Israël attend de voir comment ce problème va être résolu avant d’agir», explique Patrick Bettane. Plus de 200 otages restent détenus, leurs familles manifestent tous les soirs près du Ministère de la défense, à Tel-Aviv.
Craintes d’une «réaction en chaîne»
Pour Akiva Eldar, spécialiste de la politique israélienne, «après l’émotion suscitée par ce terrible massacre, Bibi et les généraux commencent à réfléchir différemment». La présence en Israël, selon lui, de généraux américains censés prévenir tout dérapage, éviter la mort d’otages, notamment américains, éclaire d’un jour nouveau cette réflexion qui tranche avec le discours officiel sur «la fin annoncée du Hamas à la fin de la guerre en cours», comme l’ont promis Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant.
Pour Daniel Bensimon, expert de la politique israélienne, «dissensions ou pas, c’est un fait qu’Américains et Européens défilent en Israël pour caresser Israël dans le sens du poil par de belles paroles en le menottant pour éviter une offensive terrestre». Selon lui, «la communauté internationale craint qu’une offensive terrestre ne provoque une réaction en chaîne et donc un embrasement de toute la région, voire bien au-delà». L’expert ajoute: «Biden, Macron disent de belles choses. Mais dans le fond ils veulent empêcher qu’Israël ne pénètre dans Gaza et que l’Iran n’entre dans la danse» à la frontière nord d’Israël, via son bras armé au Liban, le mouvement chiite du Hezbollah.