HOCKEY SUR GLACEA une victoire d’un truc de dingues: le titre de champion en Romandie
Si GE Servette bat Zoug samedi soir et rejoint Bienne en finale de National League, l’impossible deviendra inévitable. Et 40 ans de traversée du désert prendront fin.
- par
- Simon Meier
Techniquement, vulgairement, on appelle ça un puck de série. Bonjour tristesse, allo la Lune. Ce GE Servette-Zoug du samedi soir aux Vernets, est tout sauf un puck de série. C’est une pièce d’exception. C’est la porte ouverte, tout en sachant qu’elle peut encore se refermer, à l’écriture de la grande histoire. S’ils portent l’estocade et battent les Taureaux de Suisse centrale lors de cet acte V, les Aigles, qui mènent 3-1, rejoindront Bienne en finale de National League.
Ahurissant corollaire: quarante ans pile après le dernier des trois titres seelandais, à moins que quelqu’un ne trouve un vieux point de règlement qui l’interdise, un club romand sera champion de Suisse.
Même s’il y a toujours lieu d’ergoter sur le statut de ville romande de Biel-Bienne, l’équipe d’Antti Törmänen véhicule un tel courant de sympathie qu’on n’a pas du tout envie de se poser la question. Et puis si on va par là, il faut remonter à La Chaux-de-Fonds 1973 pour trouver trace d’un «vrai» titre romand et d’ailleurs, si on va toujours par là, quelle part romande attribuer à la Genève internationale? Donc, si GE Servette, qui lui aussi distille un hockey hautement plaisant, bat ce soir le dernier bastion de la digue anti-Welsches, un club romand de hockey sur glace sera champion.
Un club romand de hockey sur glace sera champion. Il faut l’écrire et le lire plusieurs fois pour le croire, non? Quand l’impossible menace de devenir inéluctable, forcément, il y a un côté bouleversant. Et plein d’images qui s’envolent dans le gouffre vertigineux du temps qui file: les désillusions finales du Gottéron Bykov-Khomutov de la fin des années 1980-début des années 1990, les échecs ultimes de GE Servette (2008, 2010, 2021), des décennies de frustrations et, par moments, d’abattement.
Même Vevey et Château-d’Oex…
Depuis quarante ans, de tempêtes lamentables en épopées avortées, aucun club romand n’a été capable de faire ce qu’avaient réussi, par exemple, le HC Bellerive Vevey (1909, 19 et 20), le HC La Villa Lausanne (1910), le HC Château-d’Oex (1922 et 24) ou le Villars HC (1963 et 64). Ok, c’était facile. Ce qui est difficile, c’est de concevoir le truc: un club de hockey romand champion. Gentiment, fiévreusement, on se prépare à la folle idée.
A une victoire près, une éternité pourrait prendre fin et cela ne rajeunirait personne - dans le cas contraire non plus. Quarante ans, plus d’une demi-révolution de la Comète de Halley. Ça nous ramène à 1983, année où Amy Winehouse avait vu le jour et Miro trouvé la mort. On était sous Ronald Reagan et le HC Bienne de Richmond Gosselin, intenable lors de la phase finale (neuf victoires, une défaite) avait succédé au HC Arosa au palmarès.
Un autre monde
Autant dire que le monde a eu le temps de changer. L’an 1983, ça ne paraît pas si loin quand on pense au dernier titre de champion du Lausanne-Sport (1965). Mais c’était un autre temps, celui où un Français (Yannick Noah) pouvait remporter Roland-Garros ou le Tour de France (Laurent Fignon, pour sa première participation). C’était un temps où, en football, Hambourg pouvait soulever la Coupe des clubs champions et Anderlecht celle de l’UEFA; c’était un printemps où le FC Bulle descendait en Ligue B, tandis que le FC La Chaux-de-Fonds retrouvait cette Ligue A où évoluaient aussi Vevey-Sport et Wettingen. Plus pour longtemps.
C’était il y a quarante ans, la moitié d’une longue vie. Un club romand était champion de Suisse de hockey sur glace. A une victoire près, ce sera fini. Si GE Servette bat Zoug ce soir aux Vernets, le monde et l’histoire ne seront plus vraiment comme avant. On appelle ça un sacré enjeu.