Jeux vidéo«Jedi Survivor» et «Redfall»: on y a joué et ça crée un méchant courant d’air
Pour le premier, il y a un bon jeu sous des carences techniques de jeunesse. Pour l’autre, il n’y a pas grand-chose à sauver.
- par
- Jean-Charles Canet
Deux jeux vidéo triple A ont défrayé la chronique ces derniers jours.
«Star Wars – Jedi Survivor», une suite à la hauteur
Le premier, «Star Wars – Jedi Survivor», est la suite directe de «Fallen Order» (2019), un jeu d’aventure, d’exploration et de combats créé par le studio Respawn Entertainment et édité par Electronic Arts. L’original, une expérience solo structurée, avait créé la surprise. Sa suite devait non seulement atteindre le niveau atteint mais aussi le dépasser. «Jedi Survivor» remplit son contrat. Calibré pour le PC et les consoles Xbox et PlayStation de dernière génération, il est graphiquement plus abouti que son prédécesseur. Il bénéficie en outre d’une narration habilement construite bien que limitée par le fait que l’action se passant entre l’épisode III et IV des films, les péripéties majeures sont laissées à la lignée Skywalker. Malgré cela, l’histoire et le lore restent suffisamment attractifs pour donner envie de se plonger dans une longue et belle aventure.
Côté gameplay, on retrouve un style à la Metroid (grandes zones cartographiées à explorer avec des passages qui deviennent empruntables au gré de l’augmentation des capacités du héros) qui a fait ses preuves. Quant aux combats, il y en a pour tous les goûts en fonction du niveau de difficulté choisi. C’est du très bon boulot.
Il n’empêche que le jeu a connu un lancement compliqué vendredi dernier. Les premiers joueurs qui s’étaient rués sur le jeu en day one ont été victimes de bugs techniques qui ont douché leur enthousiasme. Sur consoles (PS5 et Xbox), c’est surtout les contre-performances du mode «Performance» (celui qui est supposé garantir une fluidité à 60 images par seconde) qui a consterné. La situation était bien pire, sur Windows, avec des bugs et des ralentissements constatés sur des machines même (et surtout) parmi les configurations les plus puissantes, étrange conséquence d’une optimisation insuffisante. Le jeu a du coup eu droit à son petit Review bombing sur Metacritics et sur Steam avant qu’un nouveau patch sorti à la hâte le premier mai ne vienne colmater quelques brèches et parvienne à calmer le jeu. D’autres rustines sont attendues.
À ce stade, on constate un mieux substantiel sur PC (on est parvenu dans les grandes lignes à un 60 ips constant) et un tout petit regain sur PlayStation 5 (il y a encore du peaufinage à faire), les deux plateformes sur lesquelles on a pu faire tourner le jeu. Mais la pratique qui consiste à publier un jeu mal optimisé en promettant que les carences seront soignées au cas par cas par la suite laisse perplexe.
«Redfall», un accident industriel majeur
Dans un moment d’égarement, on a aussi choisi d’aller voir de quel bois se chauffe un autre jeu qui se revendiquait de premier plan: «Redfall» développé par Arkane Austin, édité par Bethesda, lui-même membre des Microsoft Game Studios. Sur une île proche d’une côte nord-américaine, des vampires ont pris le pouvoir et transforment ses habitants en adepte. Va falloir nettoyer tout ça, en solo ou en groupe.
La rumeur d’un incident industriel majeur était déjà parvenue à nos oreilles, mais on n’écartait pas l’idée d’un acharnement injuste et on espérait malgré tout trouver quelques qualités rédemptrices. Échec total.
Pourquoi le prime intérêt? Parce que Redfall est le premier jeu exclusif maison et proclamé AAA de Microsoft depuis… fort longtemps. Le dernier, «Halo Infinite» remontait à fin 2021. C’est dire si les fans de l’écosystème Xbox avaient les crocs. Cependant la montagne a accouché d’une souris. Dès les premières minutes, on a eu l’impression d’être tombé sur un jeu indé, fauché et médiocre, basé sur un concept plutôt original mais à creuser (ce qui n’a pas été fait).
Si cela avait été le cas, «Redfall» aurait eu droit à toute notre indulgence. Mais voilà, «Redfall» est vendu comme un jeu majeur (à 70 francs, mais heureusement accessible sans frais supplémentaire sur le GamePass) alors que la superproduction déçoit dans tous les départements. Sur consoles (Xbox Series X et S), le jeu est (provisoirement, affirme-t-on) bridé à 30 images par seconde, ses graphismes tentent de se faire passer pour une épure stylisée alors qu’il semble conçu à l’économie. La réactivité de la manette est aux fraises (c’est mieux sur PC). Le jeu est laid, conçue comme un monde ouvert, l’île manque totalement de vie, les combats sont mous et répétitifs, aucune structure narrative consistante n’est présente pour lier la sauce. Et le multijoueur collaboratif est minimaliste: il ne propose même pas d’un système de mise en relation (matchmaking) des joueurs digne de ce nom. Une catastrophe, Thérèse.
Face à l’évidence du naufrage, Phil Spencer, le patron de la division jeu vidéo de Microsoft, est monté il y a quelques jours au front non pas pour défendre le bébé mais pour s’excuser et assumer directement sa responsabilité: celle de ne pas avoir su bâtir un système de contrôle de qualité efficace, celle d’avoir été aveugle au point d’avoir cru que «Redfall» pouvait rivaliser avec les blockbusters de Sony. Et de concéder à demi-mot que le jeu est cassé au-delà de toute réparation. L’accident est grave pour la division jeu de Microsoft car elle génère un doute profond sur sa capacité à bâtir un écosystème basé sur une sortie régulière des jeux exclusifs de très haute qualité.
Pour 2023, sauf annonce surprise fracassante, toute la pression pèse désormais sur les épaules de «Starfield» un autre jeu Bethesda à venir en septembre. Et Microsoft Game Studios de vivre ce printemps une de ses crises les plus profondes.