Commentaire: Quand dans les films et séries le consentement est zappé et la toxicité romantisée

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CommentaireQuand dans les films et séries le consentement est zappé et la toxicité romantisée

En 2023, on se bat pour le consentement, pourtant si on regarde nos films, séries et dessins animés ce n’est pas encore ça.

Clotilde Loup
par
Clotilde Loup
Dans l’auberge espagnole, il n’y avait aucune notion de consentement.

Dans l’auberge espagnole, il n’y avait aucune notion de consentement.

allociné

C’est sûr que depuis les années 90-2000, les films ont bien, ou presque, changé. On pourrait être choqué de certaines scènes mythiques qui sont entrées dans la culture populaire.

En ce jour de grève féministe, et avec les derniers changements dans la constitution concernant le viol, le consentement est un sujet important. «Non, c’est non» une phrase qui semble claire, mais dans certains films populaires, il est compris comme «non, mais oui.»

Le compte Instagram «orgasme_et_moi» éduque et ouvre le dialogue sur les relations amoureuses, la santé sexuelle, et le consentement. Il y a deux semaines, la créatrice de contenus a posté un reel (une vidéo au format court) qui remet en perspective le consentement dans les films. Dans «L’auberge espagnole», le célèbre film franco-espagnol réalisé par Cédric Klapisch (2002), une scène pose problème et un gros problème. Ce film sorti il y a 20 ans met en scène Xavier, joué par Romain Duris, avec Anne-Sophie, jouée par Judith Godrèche, sur une terrasse. Il insiste, l’embrasse, elle se débat, dit non, explique pourquoi et finit par céder. Le consentement est absent de la scène et le pire… c’est la scène qui suit, où Romain Duris débriefe avec sa coloc, Isabelle, jouée par Cécile de France.  Cela s’est passé «comme dans les films», dit Xavier le sourire aux lèvres. Mais lesquels? Du porno par supposition, et le personnage lesbien de valider cette agression sexuelle.

Une autre scène fait froid dans le dos. Cette fois dans la série «Buffy contre les vampires», dans la saison six, Spike et Buffy sortent ensemble. Mais quand Buffy décide de mettre fin à leur relation, Spike ne l’entend pas de la même manière. S’ensuit une scène qui donne mal au cœur. Le viol de Buffy dans sa salle de bains, ce qui choque c’est qu’à l’époque on a en pas parlé, c’est aujourd’hui en revoyant les images que l’on remarque que l’on a quand même fait du chemin et surtout qu’on en parle. Dans la série, cette scène n’est plus évoquée, la relation entre Buffy et Spike est froide, mais ils continuent à travailler ensemble. Et l’on peut voir dans les commentaires de l’extrait sur YouTube que ça fait froid dans le dos des téléspectateurs et téléspectatrices.

Plus récemment et avec un personnage féminin, car oui, là aussi la notion de consentement peut être balayée, c’est dans la série «Les Chroniques de Bridgerton» que l’on peut le voir. En effet, dans la première saison, qui met en lumière l’histoire d’amour entre Daphné Bridgerton, la douce et innocente jeune femme, et Simon Basset, le beau et mystérieux duc. Dans une scène du sixième épisode, où les deux protagonistes font l’amour, Daphné va ignorer la demande de son mari, de ne pas le laisser jouir en elle. Dans la scène, on voit bien que le Duc est mal à l’aise, voir paniqué, mais Daphné continuera, sans s’en soucier… ici on a une belle banalisation du viol conjugal.

Dans la série Les Chronique de Bridgerton, le personnage de Daphné Bridgerton oublie la notion de consentement.

Dans la série Les Chronique de Bridgerton, le personnage de Daphné Bridgerton oublie la notion de consentement.

Wikipédia

Pour aller vers le positif et l’intégration du consentement, dans le remake de la Petite sirène, la célèbre chanson «Embrasse-la» a vu l’une de ses phrases modifiée pour apporter cette nuance du oui. Dans la version de 1998, les paroles sont: «Elle ne dit rien, elle se tait», «Faut provoquer l’étincelle. Et les mots crois-moi. Pour ça, il n’y en a pas. Décide-toi, embrasse-la», «Décide-toi mon garçon.» En 2023, les studios Disney ont décidé de changer les paroles pour: «Utilise tes mots, garçon, et demande-lui/Si le temps est bon et le temps est ce soir/Vas-y et embrasse la fille.» Une manière donc, d’intégrer le consentement dès le plus jeune âge et même pour les adultes.

Romantiser la toxicité

Une autre prouesse de nos films et de nos séries préférées est parfois de romantiser la toxicité. Toutes ces choses qu’on laisse passer dans un film, mais qui nous hérisse les poils dans la vraie vie deviennent mignonnes dans les films. Un comportement que l’on considérera comme inacceptable dans la vraie vie devient romantique et prouve l’amour du héros pour sa dulcinée.

Un exemple au hasard… team Edward ou Jacob? Dans «Twilight», Edward a des comportements qui frôlent le voyeurisme et un côté psychopathe. Oui, oui… parce que dans la vraie vie, est-ce que l’on accepterait que notre crush ou notre copain nous regarde dormir depuis notre fenêtre, sans qu’on le sache? Pourtant, dans le film et le livre, cet aspect est romantisé, montrant le combat du vampire face à son attirance pour Bella. En tant que femme, on nous inculque presque qu’un homme qui est attiré par nous, pourrait venir nous regarder dormir, un peu flippant non?

Edward Cullen, le vampire qui aime vous regarder dormir.

Edward Cullen, le vampire qui aime vous regarder dormir.

Wikipédia

Dans la saga «365 jours» qui a fait un carton sur Netflix, là on romantise le syndrome de Stockholm. Si on est enfermé h24, contre notre gré avec un beau mafieux italien, on va finir par tomber amoureuse. Bon, on ne va pas se mentir, le scénario est déjà inexistant, mais le pire c’est de voir toute cette violence et cette misogynie adulée. Un homme fort, ténébreux qui brûlerait le monde pour la femme qu’il aime… enfin qu’il a kidnappé…

Dans les séries aussi, on tend à romantiser la toxicité dans une relation. Dans «Euphoria», le personnage de Nate, joué par Jacob Elordi, a fait rêver. Mais là encore, son personnage n’est qu’un beau tableau d’un pervers narcissique et violent. Il contrôle ses copines, les violente et finit par se faire pardonner parce qu’en fait ce n’est pas de sa faute, c’est sa relation avec son père qui fait qu’il est comme ça.

Une autre série, un peu plus vieille, mais aussi très appréciée à un beau panel de toxicité masculine dans ses personnages. «Friends», oui, on l’adore ou on la déteste, mais en 2023 cette série de la fin des années 90 est truffée de comportements pas très #metoo. Ross Geller est un homme toxique, par exemple. Il se fait passer pour la victime, car il se fait friendzoner par Rachel. Avec ce refrain qu’on entend souvent: «Les filles n’aiment pas les mecs gentils». Mais malheureusement Ross n’a rien de gentil, il est misogyne et rabaisse ses copines.

Ross Geller, joué par David Schwimmer est un peu modèle de misogynie et de toxicité masculine

Ross Geller, joué par David Schwimmer est un peu modèle de misogynie et de toxicité masculine

Getty Images

Bien entendu, ce n’est que des exemples pour illustrer ce qui ne va pas dans les séries qui ont bercé notre adolescence et celles que l’on regarde encore aujourd’hui. Mais une analyse détaillée du manque de consentement et de la romantisation des relations toxiques pourrait se retrouver dans un livre. Surtout si on commence à aller analyser les personnages aussi problématiques féminins.

Alors peut-être qu’il faut tous et toutes que l’on ouvre les yeux sur certaines choses que l’on voit depuis des années et qui sont presque rentrés dans notre conception des relations entre les hommes et les femmes.

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