FootballComment la Super League européenne refait surface
Deux ans après avoir été rejetée par le public, l’idée d’une ligue de football continentale fait son retour sous l’impulsion de la société A22.
- par
- Valentin Schnorhk
Les leçons ont été tirées. En avril 2021, un dimanche soir, douze clubs européens majeurs s’étaient unis pour porter le projet d’une Super League européenne, une forme de ligue fermée d’inspiration nord-américaine, qui devait concurrencer la Ligue des champions et, surtout, maximiser les revenus pour les clubs. L’annonce avait fait un tel retentissement qu’elle avait été massivement rejetée par le public, peu convaincu par la tentative de putsch au cœur du football continental. Neuf clubs s’étaient alors retirés, seuls trois restants officiellement liés au projet: la Juventus, le FC Barcelone et le Real Madrid.
Mais la Super League n’est pas morte. Elle fait en tout cas tout pour demeurer la plus vivante possible. Ces derniers mois, elle a remis son destin entre les mains de la société A22 Sports Management, établie à Madrid. Elle se décrit comme «société active dans le développement du sport européen» et est dirigée par l’Allemand Bernd Reichart.
Son objectif affirmé: «Assouvir tout le potentiel du football européen de clubs, tout en faisant face aux nombreux défis importants auxquels se confronte le sport.» Bref, A22 œuvre pour faire accepter l’idée d’une Super League européenne à une majorité de parties prenantes. En brandissant le risque de voir le football européen s’effondrer.
Un modèle plus ouvert
Pour y parvenir, elle a déjà choisi de revoir le modèle de compétition qui avait été imaginé initialement. Il y a deux ans, la compétition dessinée devait comporter 20 clubs, dont 15 étant des membres permanents, laissant la place à seulement cinq clubs pouvant se qualifier par la voie sportive. Autrement dit, la ligue était vue comme quasi fermée et faisant totalement fi du mérite sportif. Elle a décidé de renoncer à ce modèle, qui a disparu de la nouvelle mouture.
Jeudi, A22 a diffusé une tribune dans laquelle elle listait dix principes qui doivent guider son projet. En tête de liste, l’aspect méritocratique et ouvert de la compétition. Celle-ci envisage d’inclure jusqu’à 80 équipes, qui seraient réparties entre quatre divisions. «La participation doit être basée sur le mérite sportif annuel et il ne doit pas y avoir de membres permanents, dit le texte. La qualification ouverte et basée sur les performances domestiques garantirait à la compétition des clubs émergents tout en maintenant des dynamiques compétitives au niveau national.»
Changement de ton
Le ton a définitivement changé. L’inclusion, plutôt que l’exclusion, tout en n’empiétant pas sur l’attractivité des championnats. C’est l’ambition, qui doit être conjuguée à des revenus majorés pour les clubs. Parce que A22 garantit un minimum de 14 rencontres continentales par saison, alors que ce chiffre ne s’élève qu’à 6 dans les compétitions européennes actuelles. De quoi faire gonfler les recettes issues des droits TV, théoriquement. A22 aurait déjà discuté avec près de cinquante clubs, a assuré Bernd Reichart.
L’idée d’une Super League européenne, qui se détacherait de l’UEFA, fait donc petit à petit son chemin. Ceux qui la portent ont cette fois adopté la méthode douce: la communication se veut beaucoup plus travaillée, le projet étant expliqué progressivement, afin de trouver l’adhésion au sein du public et des parties prenantes.
Y parvient-elle véritablement? Jeudi, European Leagues, qui réunit les différentes ligues du Vieux-Continent, s’est étonné de «l’absence de consultation» de la part d’A22. L’ECA, qui est l’association des clubs européens, a réitéré son opposition. Pareil pour Fans Europe, qui réunit plusieurs associations de supporters.
Décision de la CJUE en mars
Pourtant, les trois clubs frondeurs (Juve, Barça et Real) poursuivent leur lobbying. Le président des Blaugrana Joan Laporta a ainsi affirmé que la Super League sera «plus durable pour la santé des clubs». Sauf que les tribunaux pourraient avoir un impact important dans l’avenir du projet. Le mois prochain, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) doit trancher sur un point-clé: l’UEFA est-elle dans son droit en voulant sanctionner les clubs sécessionnistes? Formulé différemment, l’UEFA peut-elle détenir un monopole dans l’organisation de compétitions européennes?
En décembre dernier, l’avocat général de la CJUE Athanasios Rantos avait livré un avis de droit. Dans celui-ci, il estimait que «les règles de la FIFA et de l’UEFA soumettant toute nouvelle compétition à une autorisation préalable sont compatibles avec le droit de la concurrence de l’Union». La Cour le suivra-t-elle? Ou les instances historiques risquent-elles de perdre la main? Fin janvier, le tribunal provincial de Madrid avait lui à nouveau interdit à l’UEFA et à la FIFA d’imposer des sanctions.
La CJUE aura vraisemblablement le dernier mot. Et A22 doit bien espérer que la campagne menée ces dernières semaines puisse avoir un impact sur la décision finale. Affaire à suivre très attentivement.