Commentaire: L’impuissance politique face à l’augmentation des primes

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CommentaireL’impuissance politique face à l’augmentation des primes

Après quelques années tranquilles, le rattrapage des primes pour 2023 fait mal. Il confirme la fuite en avant d’un système qui soumet une assurance sociale à un système de santé libéral.

Eric Felley
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Eric Felley
Alain Berset, un ministre de la Santé, qui doit composer avec de multiples acteurs économiques dans la santé.

Alain Berset, un ministre de la Santé, qui doit composer avec de multiples acteurs économiques dans la santé.

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Dans le système de la santé helvétique, l’impuissance du monde politique à agir sur la progression des coûts se perpétue depuis la naissance de l’assurance obligatoire des soins il y a trente-six ans. Certaines années connaissent des progressions moindres, mais sont vite corrigées par une année de «rattrapage» comme en 2023 avec 6,6% d’augmentation.

Notre système social obéit en fait à un marché libéral. La plupart des acteurs de la santé se considèrent comme des acteurs économiques qui obéissent aux règles du profit et de la croissance. Chacun veut sa part du gâteau et plus le gâteau est grand, plus les parts sont grandes. Cela vaut également pour les assureurs, qui sont censés agir pour freiner les coûts, mais qui poursuivent en même temps un but commercial avec leurs complémentaires. Freiner la consommation d’un côté, la susciter de l’autre, c’est tout un programme.

La santé n’a pas de prix

Selon le dicton que la santé n’a pas de prix, tout le monde a bonne conscience. Tous les partis vont de leurs propositions pour tenter de régler le problème, mais à chaque fois le spectre du «rationnement des soins» est brandi comme un dangereux retour en arrière. On se résigne au principe que les progrès de la médecine provoquent forcément une médecine plus chère. Alors que le politique devrait exiger le contraire: les progrès de la médecine doivent engendrer une médecine moins chère. Ce serait là le début d’un progrès.

Alain Berset tente bien sûr, année après année devant le Parlement, de proposer des «paquets de mesures» pour réduire les coûts. il a obtenu certains succès avec les laboratoires, les médicaments ou le Tarmed. Mais bien souvent, il se heurte à des élus imbriqués dans des groupes d’intérêt sectoriel, qui se neutralisent les uns les autres pour surveiller leurs parts de gâteau.

Les primes ne paient pas tout

Ceux qui défendent cette fuite en avant disent que la Suisse a un des meilleurs systèmes de santé au monde, les meilleurs hôpitaux, les meilleurs médicaments, les meilleurs médecins et les meilleures assurances. Cependant des millions d’assurés modestes paient cette excellence à un prix chaque année plus fort. Il ne faut pas oublier non plus que les primes ne paient de loin pas tout. Nombre d’assurés prennent des franchises élevées et sont susceptibles d’avoir des difficultés financières au moindre pépin de santé.

Enfin, chaque année davantage, la Confédération et les cantons couvrent les plus faibles de subventions pour éviter qu’ils coulent. Mais l’argent ne fait que transiter par eux pour revenir au système, l’alimenter et continuer à le faire grossir. C’est un emplâtre sur une jambe de bois qui n’a aucun effet sur les coûts.

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