Tunisie: L’incertitude après le fiasco des législatives

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TunisieL’incertitude après le fiasco des législatives

Marquées samedi par une abstention record, les législatives tunisiennes sont un camouflet pour le président Kais Saied, qui se retrouve délégitimisé et très affaibli.

Le président tunisien Kais Saied lors du Sommet États-Unis-Afrique le 14 décembre 2022 à Washington, DC.

Le président tunisien Kais Saied lors du Sommet États-Unis-Afrique le 14 décembre 2022 à Washington, DC.

Getty Images via AFP

«L’échec», a titré dimanche le journal «Maghreb». Le chef de la principale coalition d’opposants Ahmed Nejib Chebbi a appelé le président à «quitter ses fonctions immédiatement» après l’annonce d’un taux de participation de seulement 8,8% au premier tour d’un scrutin organisé pour renouveler le Parlement. Il s’agit du pire taux de participation à des élections en Tunisie depuis la révolution de 2011 qui avait chassé du pouvoir le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali et fait émerger la première démocratie du monde arabe.

Grand désaveu

«C’est un grand désaveu populaire pour le processus» démarré le 25 juillet 2021, quand Kais Saied avait gelé le Parlement et limogé son Premier ministre, s’emparant de tous les pouvoirs, a déclaré dimanche Ahmed Nejib Chebbi. Les Tunisiens «ont tourné le dos à son processus illégal qui bafoue la Constitution», a poursuivi le président du Front de Salut national (FSN), dont fait partie le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de Kais Saied et ancien parti majoritaire au Parlement pendant les dix ans qui ont suivi la révolution tunisienne de 2011.

Il a appelé les autres formations politiques à «s’entendre sur la nomination d’un haut magistrat» capable de «superviser une nouvelle élection présidentielle». Ce fiasco électoral va compliquer, selon le FSN, les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de près de 2 milliards de dollars (environ 1,8 milliard de francs), dont le pays très endetté a un besoin urgent.

Nouvelle Constitution

Ces législatives représentent le point final de l’édification d’un système hyperprésidentialiste par le président Saied, élu en 2019, avec l’élection d’un Parlement privé de l’essentiel de ses pouvoirs après une révision constitutionnelle cet été.

Jusqu’à présent critiques du processus lancé par Kais Saied, les États-Unis ont qualifié dimanche la tenue de ce scrutin de «premier pas essentiel vers la restauration de la trajectoire démocratique du pays». Même si, selon le Département d’État américain, la forte abstention «renforce la nécessité d’élargir davantage la participation politique au cours des prochains mois».

Le nouveau mode de scrutin interdisait toute affiliation politique pour des candidats le plus souvent inconnus, ce qui a contribué à faire chuter la participation, selon les experts. Le FSN et la plupart des autres formations politiques, dont le Parti destourien libre d’Abir Moussi (anti-islamiste), boycottaient en outre le vote.

«Situation bloquée»

Le taux très bas «est un désaveu personnel pour Kais Saied qui a décidé tout seul», a analysé le politologue Hamadi Redissi, estimant que «sa légitimité est en cause». Toutefois, selon cet expert, «la situation est bloquée» car «il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le président» dans la nouvelle Constitution de 2022.

Le nouveau Parlement – qui ne sera constitué qu’après un deuxième tour d’ici à début mars – n’a pas cette compétence et peut, au mieux, censurer le gouvernement mais à l’issue d’un processus long et complexe. Pour le politologue Slaheddine Jourchi, «ce taux reflète l’absence de confiance du peuple».

Opposition «faible et divisée»

Reste que l’opposition «est faible et divisée» entre d’un côté le camp laïc et progressiste et de l’autre le FSN coalisé autour d’Ennahdha, selon Hamadi Redissi. Il y a «peu de chances qu’elle s’unisse tant que ne sera pas résolue la question Ennahdha», a-t-il dit, à propos de cette formation à laquelle une bonne partie des Tunisiens imputent les échecs économiques et sociaux de la dernière décennie.

Dégradation continue

La population est très inquiète de la dégradation continue de ses conditions de vie: inflation galopante, chômage très élevé et un taux de pauvreté qui touche 4 millions des 12 millions de Tunisiens.

(ATS)

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