TurinL’Ukraine favorite d’un Eurovision une fois de plus politisé
La guerre planera lourdement sur l’édition 2022 qui débute mardi 10 mai en Italie avec la première demi-finale.
- par
- Laurent Flückiger, Turin
«Je retrouverai toujours mon chemin vers la maison, même si toutes les routes sont détruites», chante le candidat ukrainien à l’Eurovision 2022, dont la finale se déroulera ce samedi 14 mai à Turin, en Italie. Le pays, vainqueur à deux reprises du concours de la chanson, a choisi d’envoyer un groupe de rap de six jeunes hommes, Kalush Orchestra. Et son titre «Stefania» fait figure de favori à la victoire.
L’Ukraine a 48% de chance de l’emporter. Loin devant l’Italie (11%), la Grande-Bretagne (10%) et la Suède (9%), selon eurovisionworld.com, qui agrège les principaux sites de pari en ligne. Les autres pays sont tous largués, à l’image de la Suisse qui a moins de 1% de chance de remporter l’Eurovision, prédisent les chiffres de ce lundi. Marius Bear, notre représentant, et sa chanson «Boys Do Cry» seront d’ailleurs en lice avec l’Ukraine pour décrocher son ticket pour la finale, ce mardi 10 mai (à voir sur RTS2 à 21 h, avec le commentaire de Jean-Marc Richard et Nicolas Tanner).
Russie exclue
L’Eurovision, souvent politisé, l’est évidemment cette année avec la guerre en Ukraine. Rappelons que la Russie en avait été exclue le 25 février déjà. «La décision reflète la crainte que, compte tenu de la crise sans précédent en Ukraine, l’inclusion d’une entrée russe dans le Concours de cette année ne jette le discrédit sur le concours», avait expliqué l'Union européenne de radio‑télévision (UER), qui précisait qu’il est «un organisme membre apolitique».
Pour Alain Pfammatter du site spécialisé douzepoints.ch, il y a «toujours une politisation du concours». Et d’énumérer le refus de la Grèce de participer pour protester contre l’invasion de Chypre par la Turquie (1975), l’appel à une Europe unie à l’adresse de la Yougoslavie avec le titre «Insieme» de Toto Cutugno (1992) ou les sifflets contre la Russie en lien avec la situation en Crimée (2014). «À l’époque, les journaux titraient déjà que l’Eurovision s’annonçait plus politique que jamais», rappelle-t-il.
Même avis chez Nicolas Tanner, consultant pour la RTS: «Cela a toujours été le cas dans le Concours avec différents événements politiques et sociaux qui ont traversé l’histoire du continent européen depuis 1956», affirme-t-il. Sans compter que l’on retrouve des éléments politiques dans les votes en tant que tel. Les alliances scandinaves et balkaniques, notamment.
«Probabilité plutôt faible»
Avoir la cote chez les bookmakers est un bon indicateur pour savoir qui pourrait gagner, mais cela ne désigne pas forcément la meilleure chanson. «Je pense que la probabilité que l’Ukraine gagne est plutôt faible», dit Alain Pfammatter. Pour remporter l’Eurovision, cinq éléments sont nécessaires: la chanson et le message, la personnalité de l’artiste, la mise en scène et le momentum. «Ce sont le jury et le public qui évaluent cela. Pour gagner, il faut les voix du jury professionnel et du public. Un jury professionnel évalue en premier lieu la chanson. La chanson ukrainienne est certes bonne mais est-ce vraiment une chanson gagnante?» interroge le rédacteur de douzepoints.ch.
«Honnêtement, c’est une très bonne chanson qui mélange tradition et modernité représentant très bien la musique actuelle et très créative de l’Ukraine», analyse Nicolas Tanner. Pour lui, le pays est favorit «par défaut au vu de la situation». «L’Ukraine sera forcément sous le projecteur, dit-il. Cela influencera le choix des téléspectateurs qui compte à 50%. Par contre, on verra la position des experts musicaux…»
Sondages auprès des fans
«Si tout le monde saluerait la victoire de l’Ukraine comme un signe formidable en faveur de la paix, les fans de l’Eurovision évaluent davantage la chanson selon leurs goûts personnels et moins selon des questions politiques», conclut Alain Pfammatter. D’ailleurs, les sondages réalisés auprès des fans donnent l’Ukraine autour de la 12e place.
Réponse samedi 14 mai au PalaOlimpico de Turin. Avant, il faudra que Kalush Orchestra passe les demies. Ce qui devrait être une formalité. Espérons qu’il en soit également ainsi pour Marius Bear.