AIEAEffet paradoxal et positif pour le climat de l’invasion russe de l’Ukraine
L’AIEA a estimé jeudi que la crise mondiale de l’énergie déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine avait le potentiel à long terme d’accélérer la transition énergétique.
En attaquant l’Ukraine, la Russie pourrait avoir accéléré la transition énergétique de la planète malgré elle. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient atteindre un «point haut» dès 2025, après la hausse des investissements dans les énergies durables provoquée par la «réorientation profonde» des marchés mondiaux de l’énergie, a estimé jeudi l’Agence internationale de l’Énergie (AIE).
À huit jours de la Conférence mondiale sur le climat COP27 en Egypte, l’Agence met toutefois en garde dans son rapport annuel 2022 publié jeudi, contre les «fractures» entre pays riches et pauvres en matière d’investissements dans les énergies décarbonées, en réclamant un «effort international majeur» pour «réduire» ce «fossé inquiétant».
«La crise mondiale de l’énergie déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine cause des changements profonds et à long terme qui ont le potentiel d’accélérer la transition vers un système énergétique plus durable et sûr» souligne l’AIE dans le document de présentation de son rapport.
«Les marchés de l’énergie et les politiques publiques ont changé depuis l’invasion russe de l’Ukraine, pas seulement pour le temps présent, mais pour des décennies à venir» affirme aussi le directeur général de l’organisme, Fatih Birol, cité dans le rapport.
Alors que certains pays cherchent actuellement à augmenter ou diversifier leur approvisionnement en pétrole ou gaz – énergies fossiles fortement émettrices de CO2 – beaucoup sont en train d’étudier une accélération de leurs changements structurels vers des énergies propres, souligne l’AIE, émanation de l’OCDE chargée d’accompagner de nombreux pays.
«Rupture»
La «rupture» de l’Europe avec le gaz russe est arrivée avec une vitesse «que peu de personnes pensaient possible» encore l’an passé, ajoute l’AIE.
Et la Russie «ne parvient pas» à rediriger vers d’autres pays ses flux de gaz qui allaient auparavant vers l’Europe. Dans aucun des trois scénarios étudiés par l’Agence, les niveaux d’exportation de gaz et de pétrole russe ne reviennent au niveau où ils étaient en 2021, et sa part du marché mondial du pétrole et du gaz est réduite de moitié d’ici 2030 dans l’un d’entre eux.
Pour la première fois, les trois scénarios étudiés chaque année par l’Agence identifient un pic ou un plateau de consommation de chacune des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) qui étouffent la planète et provoquent son réchauffement.
Dans le scénario central, qui se base sur les engagements déjà annoncés des gouvernements en matière d’investissements climatiques («Inflation Reduction Act» aux États-Unis, «Fit for 55» et «RePowerEu» en Europe, «Transformation verte» au Japon..), les émissions mondiales de CO2 plafonneraient ainsi à 37 milliards de tonnes en 2025, puis descendraient à 32 milliards de tonnes en 2050.
2,5 degrés
Mais malgré ces efforts, les températures moyennes mondiales augmenteraient d’environ 2,5 degrés d’ici 2100, ce qui est «loin d’être suffisant pour éviter des conséquences climatiques sévères».
L’Agence souligne une fois de plus le besoin d’investissements massifs dans les énergies propres, qu’elles soient vertes ou simplement décarbonées comme le nucléaire, et d’accélération dans certains domaines comme les batteries électriques (pour les voitures), le photovoltaïque, et les électrolyseurs qui produiront l’hydrogène destiné à décarboner l’industrie notamment.
Dans son scénario central, ces investissements doivent être supérieurs à 2000 milliards de dollars d’ici 2030, et ils devraient monter à 4000 milliards de dollars pour remplir les conditions du scénario prévoyant zéro émission nette en 2050.
«Des efforts internationaux majeurs sont demandés pour combler le fossé inquiétant qui se creuse entre les économies avancées et celles des pays émergents ou en développement» en matière d’investissement dans les énergies propres, ajoute l’AIE.
L’ancienne ambassadrice française pour le climat Laurence Tubiana a réagi auprès de l’AFP en estimant que le rapport montre clairement que «les investissements dans les énergies propres doivent tripler d’ici 2030, et que le gaz est une impasse».
«Avec une abondance de vent, de soleil et d’autres énergies renouvelables, l’Afrique peut mener le monde sur le chemin de la transition et ouvrir la voie à une souveraineté énergétique» a réagi pour sa part Mohammed Adow, fondateur et directeur du groupe de réflexion sur le climat Power Shift Africa.