DésinformationInfertilité, luciférase… ces intox sur le Covid qui font un carton
Des experts ont recensé plus de 500 sites d’actualités qui relaient des mensonges sur la pandémie. Et ce sont ceux qui font le plus d’audience.
- par
- Michel Pralong
Les experts de NewsGuard ont analysé des sites parmi les plus fréquentés dans cinq pays: les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie. Sur ces 6730 sites, 519 ont publié des fausses informations sur le Covid-19. «Ce qui signifie que plus de 7% de tous les sites d’actualité les plus populaires publient ces contenus dangereux», explique la start-up américaine fondée notamment par Gordon Crovitz, un ancien éditeur du «Wall Street Journal» et qui s’est spécialisée dans la vérification de la crédibilité des sites d’information et d’actualités.
Ces fausses informations portent notamment sur le vaccin anti-Covid, «trompant les familles, souvent via de fausses allégations aux conséquences potentiellement mortelles», dit le rapport publié ce 8 septembre. Et le problème, c’est que ces sites «faisant la promotion de faux traitements et relayant de fausses allégations sur les dangers des vaccins génèrent souvent beaucoup plus de trafic que les sites globalement fiables». NewsGuard cite comme exemple un site contrôlé par l’activiste antivax Robert F. Kennedy Jr qui a suscité plus d’engagement (likes, partages, commentaires) sur les 90 derniers jours que les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis ou que les Instituts américains de la santé.
Les grands mythes autour du vaccin
Les analystes ont recensés 50 mythes principaux qui circulent sur ces sites et sur les réseaux sociaux et en font ressortir cinq: 1) Les vaccins à ARNm modifient l’ADN humain. 2) Les vaccins ont rendu infertiles 97% de ceux qui l’ont reçu. 3) Ils sont responsables de l’augmentation des nouveaux variants du virus. 4) Des compagnies aériennes ont déconseillé aux vaccinés de prendre l’avion pour éviter des caillots sanguins. 5) Les vaccins contiennent de la luciférase, nommée d’après Lucifer. (Précisons ici que cette enzyme a certes la même étymologie que Lucifer, qui signifie le «porteur de lumière», car elle est responsable de la bioluminescence chez certains animaux; bioluminescence utilisée dans un test pour repérer les anticorps au Covid mais l’enzyme n’est pas présente dans les vaccins).
Et cette désinformation a des conséquences: «Elle a contribué à accroître la méfiance envers la science et les institutions depuis un an et demi, rendant plus difficile et dangereuse la lutte contre le Covid-19», souligne Andy Pattison de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon lui, révéler ces sources de mésinformation en ligne permet à l’OMS et à la communauté numérique d’enrayer l’action des pourvoyeurs d’infox. Mais la partie est loin d’être gagnée car, ces sites faisant de l’audience, ils sont une activité très lucrative.
Les grandes marques piégées
Plus de 4000 grandes marques ont vu leur publicité se retrouver sur des sites diffusant des intox sur le coronavirus. Même des publicités émanant de fabricants de vaccins, d’hôpitaux et de centres de prévention. C’est involontaire et c’est dû à ce que l’on appelle la publicité programmatique, où les emplacements sont achetés automatiquement. De nombreux annonceurs pensent qu’ils sont protégés par les filtres mis en place et qu’ils ne vont pas se retrouver sur de tels sites. Mais ça n’est pas le cas, selon NewsGuard: «Via l’intelligence artificielle, ils évitent que leurs publicités se retrouvent sur des sites pornographiques, mais il faut des analystes aguerris pour faire la différence entre les sites généralement fiables et le nombre croissant de sites colportant des infox dangereuses auprès de familles du monde entier». Des programmes sont d’ailleurs mis en place, notamment par NewsGuard, évidemment, pour distinguer les sites fiables des autres.
La grande majorité des sites repérés par NewsGuard pour avoir diffusé des intox sur le Covid se trouvent aux États-Unis, avec 339 recensés. Suit la France avec 59 puis l’Allemagne avec 42, l’Italie avec 41 et le Royaume-Uni avec 21.
«L’un des mystères non résolus à ce jour de l’infodémie (propagation rapide et large d’un mélange d’informations à la fois exactes et inexactes sur un sujet, ndlr) liée au Covid-19 est comment tant de mésinformation a pu se propager si largement, contribuant à l’hésitation vaccinale, et coûtant des vies», constate Gordon Crovitz.