CommentaireEntre Israël et Palestine, le difficile équilibre de la Suisse
Peut-on soutenir la population palestinienne sans être antisémite? Ou l’inverse?
- par
- Eric Felley
Ce vendredi, tous les partis politiques de Suisse ont mis en garde contre les risques d’une dérive antisémite à la suite de l’embrasement du conflit au Proche-Orient. Cette unanimité rappelle celle de la Commission de politique de sécurité, qui a décidé la semaine dernière de vouloir mettre le Hamas sur la liste des organisations terroristes à la suite de ses exactions du 7 octobre dernier. Après quelques hésitations du chef du Département des affaires étrangères, Ignazio Cassis, le Conseil fédéral est aussi d’avis qu’il faut aller dans cette direction.
Mais cette unanimité est bien fragile. Au Parlement, il existe un groupe d’amitié Suisse-Israël, qui compte cinquante membres, présidée par la conseillère nationale Therese Schläpfer (UDC/ZH). Sur ces cinquante membres on trouve une majorité d’élus UDC (26) puis du PLR (12) et du Centre (6). Seuls trois socialistes en font partie et aucun écologiste. Le même groupe d’amitiés existe avec la Palestine. Il est présidé par Carlo Sommaruga (PS/GE). Plus petit, il est composé de six élus socialistes, trois écologistes et un vert’libéral. Nulle trace d’un représentant des partis bourgeois. (À noter qu’il n’y a aucun élu qui siège dans les deux groupes, alors que rien ne l’empêcherait).
Affinités
L’observation de la composition de ces deux groupes d’amitié révèle, sans grande surprise, que la droite helvétique a des affinités plus marquées avec Israël et moindres avec la Palestine. La gauche est évidemment plus proche de la Palestine, mais certains de ses membres, dont le candidat au Conseil fédéral Daniel Jositch (PS/ZH), se sentent plus proches d’Israël.
Jeudi soir à Lausanne, c’est la gauche (le POP) qui a organisé une manifestation sous le titre «L’occupation de la Palestine doit cesser». À l’instar de celle de Genève samedi dernier, le cortège lausannois a mobilisé des milliers de personnes autour de la place de la Riponne. Comme il fallait s’y attendre, des slogans hostiles ont visé Israël: «Israël casse-toi, Palestine n’est pas à toi!» ou plus violents: «Israël criminel! Israël assassin!»
Des causes antagonistes?
Ce sont des slogans qui alimentent la discrimination et le rejet des ressortissants israéliens et plus généralement des juifs. Dans d’autres pays et d’autres villes suisses, les rassemblements propalestiniens ont été interdits pour des raisons sécuritaires et pour limiter les appels à la haine contre Israël. Cela pose cette question: peut-on soutenir le peuple palestinien sans favoriser l’antisémitisme? Ou, dans l’autre sens, peut-on lutter contre l’antisémitisme, tout en défendant les civils palestiniens? Les présidents du PS et des Vert.e.s ont répondu par l’affirmative.
L’attaque terroriste du Hamas et la réplique israélienne ont rallumé un conflit vieux de 70 ans d’une manière extraordinairement violente, inaugurant un nouveau cycle de vengeance partout dans le monde. La Suisse n’échappe pas à cette vague, qui divise tout sur son passage. Aujourd’hui, il est sage que tous les partis s’engagent contre le poison de l’antisémitisme. Mais les mêmes partis devraient s’engager aussi à ne pas diminuer l’aide aux populations civiles palestiniennes, qui vivent la misère depuis tant d’années et l’enfer depuis deux semaines.