FootballLa Suisse et sa liberté retrouvée
Victoire 2-0 précieuse face à une Irlande du Nord réduite à dix dès la 37e minute. Il y a eu du mouvement, des idées: Murat Yakin a ouvert des espaces aux siens.
- par
- Daniel Visentini Genève
Par atavisme, cette Suisse joueuse aime la liberté. Par pragmatisme Murat Yakin lui a ouvert des espaces. Le résumé fragile ne dit pas toute la complexité d’une relation entre une équipe et son nouveau sélectionneur, mais il l’éclaire en partie au moins. On ne sait pas encore s’il s’est passé quelque chose qui relèverait d’un déclic au Stade de Genève, lors de cette victoire si précieuse face à l’Irlande du Nord, mais à comparer le résultat et la manière, face au même adversaire un mois après la purge de Belfast, on peut croire qu’un élan a été retrouvé. Une impulsion qui place déjà la Suisse potentiellement dans les deux premières places du groupe C, dans ces qualifications pour le Mondial 2022.
Ne pas s’emballer. Relativiser. L’humilité impose de souligner les circonstances: des Nord-Irlandais réduits à dix dès la 37e minute de jeu quand, après avoir déjà été averti, Jamal Lewis s’amusait à perdre du temps. Sévérité du deuxième carton jaune? Vacuité de l’instinct roublard, surtout.
L’urgence des débuts
La Suisse n’avait pas attendu cette supériorité numérique pour faire valoir ses nouveaux élans. C’est là où les choses deviennent intéressantes. Murat Yakin s’est installé à la tête de la sélection dans l’urgence, en août, il a dû composer en septembre avec une pléiade d’absents et il a surtout imposé ses idées. En rupture d’avec celles de Petkovic. Rien d’insensé ici: un sélectionneur est toujours en rupture, d’une manière ou d’une autre, avec le passé.
Pour Yakin, ex-international suisse, ex-défenseur surtout, l’importance du comportement défensif global est une priorité. Il a immédiatement modifié les schémas, abandonné la défense à trois pour passer à quatre derrière. Et pour mettre en place un 4-1-4-1. C’était judicieux contre l’Italie, d’autant plus quand on est privé du patron Xhaka et de bien d’autres éléments le mois dernier (Shaqiri, Embolo, Gavranovic, Freuler suspendu). Ce ne l’était déjà plus quelques jours plus tard à Belfast, dans la même organisation. Dans ce mois qui a séparé l’indigence d’un 0-0 en Irlande du Nord et ce succès encourageant et précieux à Genève, fût-il facilité par les circonstances et sans doute trop court dans son ampleur (que de ratés d’Embolo notamment), il y a eu une métamorphose. C’est un bien grand mot, tout demande encore confirmation, mais il y a eu une autre Suisse, avec d’autres intentions, articulée différemment aussi. Du 4-1-4-1, elle est passée à une sorte de 4-2-3-1.
Murat Yakin se gardera bien de le dire, chaque entraîneur a ses idées et tous détestent être comparés avec un autre, encore moins un prédécesseur, même ou surtout si ce dernier a eu du succès. Mais il y a peut-être une part inavouée qui emprunte au passé la solution du présent pour cette équipe de Suisse. Si Yakin est bien cet entraîneur pragmatique que l’on sait, alors il est aussi cet homme qui sait s’inspirer de certaines évidences, même si elles participent des orientations longtemps portées par Petkovic.
On veut croire que les retours de Shaqiri et Embolo ont offert des solutions offensives, c’est certain. Mais il fallait, en plus de ce potentiel, des schémas différents. Que ceux-ci ressemblent en partie à ce que la Suisse faisait de mieux il y a quelques mois encore n’est pas anodin. Ils auraient même pu se concrétiser de la plus belle des façons dès la 4e minute quand Zakaria croyait déjà avoir trouvé la faille d’un maître-tir, avant que la VAR ne sanctionne une position de hors-jeu de Mbabu juste avant. Zuber avant la pause, puis Fassnacht en fin de seconde période, auront effacé la frustration.
Le test ultime à venir
Tout cela raconte l’opportunisme de Yakin. Il apportera toujours un soin tout particulier à l’organisation défensive. Mais à Genève, pour libérer les siens, il leur a offert des possibilités offensives aussi. L’équilibre est là, il doit encore être mesuré à l’aune de formations plus fortes, mais quelque chose semble se dessiner.
Il va falloir maintenant étayer des élans là à Vilnius, face à une Lituanie qui vient de battre la Bulgarie. Et, surtout, après avoir battu les Lituaniens, puisqu’il le faut, il s’agira d’aller défier l’Italie à Rome. Le test ultime pour Yakin et la Suisse.