Double homicide de Payerne«Je ne savais pas que je les avais tués. Aujourd’hui, je le sais»
L’homme qui a abattu sa femme et son fils d’une trentaine de balles en 2018 à Payerne comparaît ce lundi. Il assume ses actes, mais peine à expliquer comment il en est arrivé là. Ses deux sœurs racontent une enfance dramatique.
![Pauline Rumpf](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/01/2a44fbce-d762-4a7e-8d20-ae9d86901e29.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C0%2C1560%2C1560&fp-x=0.4128205128205128&fp-y=0.43205128205128207&crop=focalpoint&s=c1f44be2884e6dfea6d1f802fb5b5513)
Les faits tels que décrits par la procureure sont glaçants. Après une séparation qu’il n’acceptait pas, et un long historique de menaces, d’insultes et de violences physiques (que le prévenu a niées), Tiago* s’est rendu au nouveau domicile de son épouse et a tiré deux chargeurs entiers, soit trente balles, sur sa femme et son fils de 18 ans en avril 2018.
Découvrez la reconstitution des faits d’après l’acte d’accusation.
Yannick MichelLundi, le président de la Cour, Donovan Tesaury, a tenté d’éclaircir les faits avec lui. Renfermé, voûté, parlant très bas en secouant la tête, Tiago a nié avoir jamais levé la main sur sa femme, ou l’avoir menacée, malgré des déclarations contradictoires faites durant l’enquête. «Si battre, c’est battre avec les mots, alors oui, plusieurs fois.» Alors que ses fils ont tous deux témoigné dans le même sens, l’aîné avant sa mort et le cadet lors du procès, il estime que leur proximité avec leur mère explique «qu’ils voient les choses ainsi» et ne parle que de «bousculades». Le dossier d’instruction mentionne toutefois de nombreux SMS la traitant de «menteuse» ou de «salope», ainsi que le dernier message envoyé à son fils défunt: «Rentre à la maison ou je te frappe jusqu’à te faire noir.» Une expression utilisée dans le nord du Portugal, se défend-il.
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Pro Juventute (jeunes, 24/7): 147
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Violencequefaire (anonyme et gratuit, réponse dans les 3 jours)
Le jour du drame, il dit avoir très peu de souvenirs. «Je me fais violence pour ne pas m’en rappeler.» De quoi compliquer la tâche du président qui tentait de clarifier une éventuelle préméditation du double meurtre. Tiago a bien admis avoir emporté un Glock et deux chargeurs avec lui en montant les escaliers, «parce que les armes me donnent un sentiment de sécurité et de force», mais a assuré n’avoir eu aucune intention de faire du mal, jamais. Pourquoi alors avoir tiré, pourquoi autant de balles? «Je ne sais pas. Il n’y a pas d’explication.»
Son récit décrit une altercation avec son fils, qui aurait tenté de lui arracher son arme alors qu’il était en train de repartir, et un premier coup qui serait parti par accident. Les suivants auraient suivi tout seuls. «Je ne savais pas que je les avais tués. Aujourd’hui, je le sais. Si j’avais vraiment voulu tuer, une balle aurait suffi», a précisé l’habitué du tir.
*prénom d’emprunt
Famille ébranlée mais solide
Stoïque mais touché, le deuxième fils de Tiago, alors en internat, s’est porté partie plaignante. Malgré les déclarations de son père, il a confirmé l’avoir vu frapper sa mère, avec les pieds, les poings ou des objets. Après la séparation, il refusait d’avoir des contacts avec lui «parce que je ne l’aime pas particulièrement. Parce qu’il battait ma mère.» Aujourd’hui, il est suivi et se reconstruit sous curatelle, mais indique avoir raté ses examens en partie à cause de l’anticipation du procès. Il refuse toujours les contacts avec son père, qui semble toutefois se soucier qu’il soit pris bon soin de lui.
Le frère de la défunte a également témoigné, racontant sa peine. «Je ne veux pas qu’on lui trouve de prétexte dans son enfance pour quelque chose qu’il a commis alors qu’il avait 50 ans.» Il a aussi évoqué sa peur vis-à-vis de Tiago, notamment vis-à-vis de son neveu, ainsi que de sa propre femme et ses enfants.
Une enfance d’une violence terrible
Le témoignage des deux soeurs de Tiago, qui l’ont surtout connu enfant, contribue à l’humaniser. Elles décrivent un homme qui manque de confiance, et un enfant harcelé, insulté et frappé quotidiennement par ses frères, tabassé par son père alcoolique. Elles racontent un cadre familial malsain, «une famille où on ne parle pas, on tape», et des scènes de tabassages ultra-violents dans un cabanon au fond du jardin, ou attaché par des chaînes à côté de son lit. «On ne juge pas un homme sans son histoire», a insisté une des sœurs. Tiago a d’ailleurs précisé que ses contradictions découlaient de son analphabétisme, ainsi que d’une forte dépression.