PartenariatDu génie génétique caché dans l’œuf: un exemple de dérégulation de CRISPR
Des œufs et des poules pondeuses issus de poules transgéniques CRISPR pourraient être mis sur le marché européen sans que l’on s’en aperçoive, c’est-à-dire sans procédure d’autorisation, d’évaluation du risque et sans étiquetage. C’est ce qui ressort d’une lettre de la Commission européenne qui considère ces poules pondeuses et ces œufs comme non-OGM.
L’entreprise NRS Poultry veut mettre sur le marché des poules reproductrices génétiquement modifiées par CRISPR/Cas, de manière qu’aucune descendance mâle n’éclose. La modification génétique vise à empêcher le broyage et le gazage éthiquement indéfendables de poussins mâles non rentables, en transmettant à chaque descendant mâle un gène mortel. Les poules ont été modifiées par des chercheurs israéliens pour que les descendants mâles meurent dans l’œuf dès le stade embryonnaire. Comme les descendants femelles n’héritent en théorie pas du gène, on suppose qu’ils se développent normalement et peuvent être utilisés comme poules pondeuses pour la production d’œufs.
Selon une lettre non publiée, la Commission européenne estime qu’aucune procédure d’autorisation ni aucun étiquetage OGM ne sont nécessaires pour ces œufs et ces poules pondeuses. Cela équivaudrait à une dérégulation anticipée de l’édition du génome. Derrière cette attitude laxiste se cache la volonté de déréglementer les nouvelles techniques de génie génétique. Le cas des œufs CRISPR/Cas n’est en effet pas unique: bien que plusieurs publications aient entre-temps prouvé l’existence de risques nouveaux et spécifiques à la technologie CRISPR/Cas, la Commission européenne nie la nécessité d’examiner les produits issus de cette technique de plus près.
Loi sur le génie génétique en Suisse: vers un assouplissement risqué?
Selon les dispositions légales actuelles en Suisse, les poules génétiquement modifiées - y compris les poules pondeuses - relèvent clairement du génie génétique et ne peuvent pas être mises en circulation. Cependant, lors des discussions parlementaires sur la prolongation du moratoire, l’UDC, le PLR et le Centre ont porté une proposition de l’Union suisse des paysans qui semble favorable à l’idée d’assouplir la régulation pour ces techniques. À la majorité, les parlementaires ont donné mandat au Conseil fédéral d’établir une régulation spécifique pour ces techniques d’édition du génome d’ici 2024. L’assouplissement de la loi sur le génie génétique visée dans les années à venir pourrait permettre la mise sur le marché de ce genre de produits sans étiquetage ni évaluation des risques dans notre pays.
Les produits génétiquement modifiés n’ayant reçu aucun gène étranger à l’espèce sont qualifiés de sûrs, bien que le fait de renoncer à l’introduction de tels gènes n’offre pas une plus grande sécurité. En effet, le risque ne dépend pas de l’origine du fragment d’ADN inséré, mais de la technique utilisée. Les nouvelles techniques de génie génétique permettent une intervention sur le patrimoine génétique plus rapide et plus importante que les anciennes (transgénèse). De surcroît, les modifications peuvent être effectuées dans des endroits des génomes protégés par des centaines de milliers d’années d’évolution. Le risque est de ce fait accru et ces techniques devraient être encore plus réglementées que les autres. On avance à reculons.
Millions investis dans le génie génétique à tort
Le génie génétique renforce la production industrielle de nourriture qui génère une dette écologique et sociale importante. Ces poules modifiées ont déjà fait l’objet d’une demande de brevet et seront commercialisées en collaboration avec une entreprise américaine. Tous ces OGM et ces techniques sont brevetés, ils affaiblissent la souveraineté alimentaire et l’autonomie paysanne. Les solutions sont connues: agroécologie et agriculture biologique accompagnées d’une réduction importante du gaspillage alimentaire et d’un changement des comportements alimentaires. Ces solutions manquent de moyens pour être expliquées et promues, alors que des millions sont investis à tort par le secteur public dans le génie génétique.