Conduite sous stupéfiantsAprès l’affaire Palmade, l’État français veut durcir le ton
Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a évoqué dimanche la possibilité de durcir les sanctions envers les conducteurs sous l’emprise de stupéfiants.
Annonce avec ou sans lendemain? Gérald Darmanin s’est prononcé dimanche pour un retrait des 12 points du permis en cas de conduite sous stupéfiants, mais aussi d’alcool, et l’introduction de la qualification d’«homicide routier», ce qui laisse dubitatifs les défenseurs des victimes.
Le ministre de l’Intérieur a fait cette annonce dans le «JDD», neuf jours après l’accident provoqué par l’humoriste Pierre Palmade sous l’emprise de la cocaïne et dans lequel trois personnes ont été grièvement blessées, dont une femme enceinte qui a perdu son bébé de six mois.
Six points sur le permis
En visite en Corse, Gérald Darmanin a ensuite précisé dans l’après-midi vouloir «être beaucoup plus dur avec ceux qui conduisent sous l’emprise de drogues, de stupéfiants ou d’alcool bien évidemment». «La perte du permis n’est automatique qu’en récidive aujourd’hui», a pointé le ministre.
Actuellement, la conduite sous l’usage de stupéfiants est sanctionnée de la perte de six points. Des peines complémentaires peuvent aussi entraîner une suspension du permis pour une durée maximale de trois ans et une annulation du permis, avec trois ans maximum d’interdiction de demander un nouveau permis.
«Rendre obligatoire la visite médicale»
Gérald Darmanin veut également «rendre obligatoire la visite médicale de tout consommateur avéré de drogue, pour qu’il soit autorisé à conduire s’il se soigne», et dit par ailleurs travailler «avec Eric Dupond-Moretti pour renommer en "homicide routier" les accidents mortels dus à la drogue et à l’alcool».
Le ministre de l’Intérieur, qui a rappelé sa volonté d’arrêter de retirer des points pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h, a souligné qu’«environ 600 personnes meurent chaque année dans des accidents de la route liés aux stupéfiants» et qu’un total de 800’000 contrôles routiers «contre la drogue» ont eu lieu en 2022, «soit le double des années précédentes». Il a promis qu’il y en aurait «un million cette année».
Débat sur l’«homicide routier»
Ces annonces ont été accueillies avec circonspection par les associations et avocats de victimes de la route. Pour Vincent Julé Parade, avocat spécialisé dans le domaine, «le retrait des 12 points et la visite médicale, ça paraît une bonne idée quand on sait que les consommateurs de stupéfiants se disent eux-mêmes malades, une visite médicale semblerait être une bonne chose».
«Mais il faut aller jusqu’au bout. Il faut que ça suive côté alcool, c’est la deuxième cause d’accidents, c’est aussi une addiction», souligne l’avocat auprès de l’AFP. «Tout ça, c’est bien mais espérons que ce n’est pas seulement un effet d’annonces. Depuis qu’il est en poste, on n’a pas beaucoup entendu Gérald Darmanin sur la sécurité routière», a noté Me Julé Parade.
«Il y a un vrai sujet sur la table»
Même réserve pour le président de la Ligue contre la violence routière. «On a l’impression que le ministre de l’Intérieur souhaite enfin parler de sécurité routière. Il y a un vrai sujet sur la table malgré toutes les reculades récemment sur les radars urbains, la suppression du retrait des points pour les petits excès de vitesse», a déclaré à l’AFP Jean-Yves Lamant.
«Ça fait dix ans que l’accidentalité ne change pas, il y a 3500 morts par an, ça n’a pas du tout évolué. Notre message est assez clair: il faut changer de baromètre, ce n’est plus l’acceptabilité, mais l’accidentalité. Et l’objectif à atteindre est zéro mort en 2050», martèle Jean-Yves Lamant pour qui «l’homicide routier est un vrai débat».
Sur ce sujet, Me Julé Parade estime que «ce que propose Gérald Darmanin c’est d’appeler une chose par son nom, c’est changer la sémantique, mais le quantum de la peine ne pourra pas bouger». «La peine maximum est de 10 ans (d’emprisonnement) en matière de délit routier en France. Depuis 20 ans que la loi a été durcie, à ma connaissance, le maximum de 10 ans n’a jamais été prononcé en France. Le maximum que j’ai rencontré est 7 ans, et avec sursis», déplore Me Julé Parade.