Amérique du Sud – La frontière Venezuela-Colombie toujours fermée

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Amérique du SudLa frontière Venezuela-Colombie toujours fermée

L’ouverture effective de la frontière entre le Venezuela et la Colombie devrait prendre plusieurs jours, après une fermeture de plus de deux ans.

Le pont Simon Bolivar, entre la ville vénézuélienne de San Antonio de Tachira et celle de Cúcuta en Colombie.

Le pont Simon Bolivar, entre la ville vénézuélienne de San Antonio de Tachira et celle de Cúcuta en Colombie.

AFP

À quand la réouverture effective? De strictes restrictions étaient toujours imposées mardi au principal point frontalier entre la Colombie et le Venezuela, forçant les candidats au passage à continuer d’emprunter les habituels et pénibles chemins de contrebande.

Jugeant bon de «tourner la page», le Venezuela avait pourtant annoncé lundi la «réouverture commerciale» de ses frontières terrestres avec la Colombie, plus de deux ans après leur fermeture en 2019 en pleine crise politique et diplomatique entre les deux pays.

Le jour-même, les conteneurs qui bloquaient depuis deux ans le pont Simon Bolivar, principal point frontalier, entre la ville vénézuélienne de San Antonio del Tachira et celle de Cúcuta en Colombie ont été retirés, suscitant immédiatement l’espoir d’une reprise rapide des échanges et des flux de véhicules sur ce pont emblématique. Las! Vingt-quatre heures plus tard, rien n’a bougé, ou presque, a constaté l’AFP.

Comme à l’accoutumée, seuls quelques centaines de piétons ont été autorisés à franchir le pont de ciment blanc. Pour la plupart, des citoyens vénézuéliens justifiant d’un rendez-vous médical du côté colombien, des écoliers, et des bi-nationaux aussi. Beaucoup se sont heurtés au mur habituel des restrictions et tracasseries en tout genre, en particulier du côté vénézuélien.

Toujours «payer»

«Le passage est terrible», commente une femme âgée à l’abondante chevelure grise, se préparant à rentrer chez elle à San Antonio del Táchira, la première ville du côté vénézuélien. D’une démarche lente, son autorisation médicale en main, elle ne souhaite qu’une chose: une ouverture rapide du pont pour permettre «d’éliminer les abus».

Aujourd’hui elle a pu passer légalement. Mais autrement il n’y a d’autre choix que les «trochas», dénomination locale de ces centaines de sentiers illégaux qui relient les deux pays, dans toute la zone frontalière, et à proximité même de l’emblématique pont Bolivar.

Là-bas, «ils (les passeurs) nous exploitent encore», s’emporte-t-elle. «S’ils portent un sac, ils vous font payer, vous passez et ils vous font payer», fustige-t-elle. «Ouvrez-la rapidement! Ce sera bien plus facile comme ça», renchérit Elizabeth Cáseres, une femme au foyer de 47 ans.

«Les gens attendent que le passage normal soit rouvert, pour se débarrasser du problème des trochas», dit-elle, tenant un ticket certifiant qu’elle était en Colombie pour recevoir des soins médicaux. «Du côté vénézuélien, l’ouverture (de la frontière) n’a pas eu lieu», a constaté le directeur de Migration Colombie, Juan Francisco Espinosa, lors d’une visite sur place.

2200 kilomètres de frontières

La Colombie n’entend sans doute pas par ailleurs se voir dicter l’agenda de cette réouverture par Caracas. «Nous, Colombiens, n’allons pas être les idiots utiles des prétentions électorales» du gouvernement vénézuélien, «car nous savons aussi que ces gestes ont une intention politique», a ainsi commenté mardi le président colombien Ivan Duque.

La frontière est presque totalement fermée depuis 2015 en raison de la tension entre les deux voisins, rivaux idéologiquement, aux 2200 kilomètres de frontières communes et poreuses.

«Le passage de véhicules sur les ponts internationaux ne sera autorisé qu’après des contrôles techniques (…)», a prévenu lundi le gouvernement colombien. «Il n’y a qu’un passage humanitaire», annonce une autorité vénézuélienne à un couple de jeunes gens, forcés de rebrousser chemin dans leur tentative de passage sur le sol vénézuélien.

«100% meilleure»

Et sur les sentiers illégaux, les «trocheros» ont donc continué leur commerce, transportent bagages et marchandises sur les épaules en échange d’argent. De petits chariots chargés d’œufs, de riz, de papier toilette et lessive circulent à bout de bras, vers le Venezuela, en pleine crise économique.

Des personnes âgées traversent la rivière Tachira, dont le niveau est bas en cette saison, portés par des jeunes contre quelques pesos colombiens. Sur la rive vénézuélienne, un homme encapuchonné, une radio à la main, surveille les mouvements de deux policiers colombiens qui font le guet de l’autre côté du fleuve.

Ces passeurs, souvent armés, font autorité des deux côtés de la rivière, se faufilant dans les sous-bois pour éviter la police et les soldats colombiens. Ils contrôlent les berges de la rivière et facturent chaque mouvement. Pas de prix fixe, mais une «collaboration», explique Inti Mella, un habitant de San Antonio qui s’apprête à rentrer de Colombie chargé de matériel de quincaillerie et de menuiserie «pour travailler ces jours-ci».

Suite à l’annonce de la réouverture de la frontière, l’homme de 49 ans a tenté de rentrer normalement en traversant le pont Simon Bolivar. Mais «vous y allez et on vous met mille obstacles». Des «obstacles qui m’obligent à prendre ce chemin» de contrebande, peste-t-il, avant d’entamer les dix minutes de trajet dans le sous-bois.

Le jour où il pourra traverser le pont asphalté, sa vie «sera 100% meilleure», lâche-t-il. «Les mêmes sentiers continuent de fonctionner et ce sont eux qui génèrent le passage de tout ce qui est illégal», a commenté mardi Jaime Marthey, chef du bureau du médiateur dans le département frontalier de Norte de Santander. «Les restrictions (du Venezuela) restent les mêmes», a-t-il pointé.

La Colombie demande au Panama de «faciliter» le passage de migrants

La Colombie a demandé au Panama de «faciliter» le passage des migrants les plus vulnérables à la frontière entre les deux pays, une zone de jungle hostile et montagneuse, a-t-on appris mardi de source officielle. Ce voyage périlleux, sur des sentiers boueux et escarpés, au milieu d’une jungle hostile rincée par les pluies tropicales, dure quatre à cinq jours, jusqu’à la ville panaméenne de Bajo Chiquito.

Il se fait, côté colombien, en échange d’un prix moyen de 300 dollars (280 francs) par personne payés aux passeurs. Cet itinéraire a connu une hausse spectaculaire des passages de migrants cette année: quelque 67’000 personnes ont effectué la traversée entre janvier et août, contre 6465 pour l’ensemble de l’année 2020, d’après l’autorité migratoire panaméenne. Le Panama accepte de laisser entrer quotidiennement sur son territoire jusqu’à 600 migrants illégaux.

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