FrontièreLa Finlande lève le voile sur son rideau de fer avec la Russie
Quelques jours après son entrée dans l’OTAN, le pays scandinave commence à ériger des clôtures barbelées le long de ses plus de 1300 kilomètres de frontière avec sa voisine, surtout dans le sud-est.
Les gardes-frontières finlandais ont dévoilé, vendredi, le tracé du chantier du futur rideau de fer qui va recouvrir une partie de son immense frontière de 1340 kilomètres avec la Russie, conséquence de la guerre en Ukraine. L’unité militaire a fait visiter à la presse le site en construction du premier tronçon pilote, de trois kilomètres, près d’Imatra, dans le sud-est du pays, quelques jours après l’entrée de la Finlande dans l’OTAN.
Au total, 200 kilomètres de clôtures barbelées, hautes de trois mètres et bordées d’une route, vont être érigés, pour un budget prévu de 380 millions d’euros (à peu près autant en francs). L’essentiel (70%) se trouvera sur la frontière sud-est, la plus dense de la ligne frontalière avec la Russie, selon un tracé encore incomplet présenté vendredi.
Mais d’autres clôtures seront érigées plus au nord, sur la longue frontière largement inhabitée remontant vers la Laponie et la frontière norvégienne, dans l’Arctique. «Il y aura plusieurs dizaines de tronçons pour la clôture. L’exemple type sera les passages frontaliers et leurs alentours, les routes traversant la frontière, mais aussi les zones facilement accessibles pour l’homme en transport», a expliqué le général de brigade Jari Tolppanen.
Jusqu’en 2026
À l’heure actuelle, sur le site pilote, situé à six kilomètres d’Imatra, les pelleteuses s’activent pour déblayer et les arbres ont été abattus, mais la clôture elle-même n’est pas encore en place. Le chantier a commencé fin février, et la dernière phase de l’érection de la clôture doit s’achever en 2026.
Les frontières finlandaises sont actuellement principalement sécurisées par de légères barrières de bois, essentiellement conçues pour empêcher le bétail de se déplacer. Ce qui était aussi le cas même durant la guerre froide, lorsque le pays nordique avait été contraint à la neutralité par Moscou, après la Seconde Guerre mondiale.
La frontière sud-est avait été tracée en 1940, puis formalisée en 1947, après l’annexion d’une grande partie de la Carélie finlandaise par l’URSS, qui avait entraîné le déplacement de centaines de milliers d’habitants. Elle était restée très peu équipée depuis lors.
«La seule façon»
Trois décennies après la fin de la guerre froide, Helsinki avait pris la décision, l’an dernier, d’ériger une clôture après l’invasion de l’Ukraine. Les autorités l’ont présenté comme une façon d’éviter l’instrumentalisation de flux migratoires, comme dernièrement en Biélorussie, mais sans fonction militaire. «C’est la seule façon efficace et sûre de contrôler des entrées de grande ampleur», a souligné le général Tolppanen. «Nous devons réduire notre dépendance à l’efficacité du contrôle du côté russe de la frontière.»
«On aurait dû la construire il y a longtemps»
Ce nouveau rideau de fer marque la fin d’une période où la région frontalière de la Finlande misait sur les échanges avec la Russie pour assurer sa prospérité. La majeure partie des habitants soutiennent que leur pays tourne le dos à son puissant voisin, mais les avis sont plus partagés sur l’utilité de la clôture. «Je pense que c’est une très bonne chose», dit Sinikka Rautsiala, un habitant d’Imatra. «On aurait dû la construire il y a longtemps.» «Je ne crois pas qu’elle soit très nécessaire», juge pour sa part Pirjo Pänkäläinen, une autre habitante de la commune de 25’000 habitants. «Mais certainement, comme il y a beaucoup de peur provoquée par la situation, beaucoup de gens pensent que c’est important de la construire.»