RussieEn quête de naissances, Poutine a l’avortement en ligne de mire
Le président a indiqué que le problème démographique pouvait se résoudre «de lui-même si les femmes décident de préserver la vie de l’enfant».
![Vladimir Poutine s’est fait l’apôtre des familles nombreuses au nom de «valeurs traditionnelles» et patriotiques. Vladimir Poutine s’est fait l’apôtre des familles nombreuses au nom de «valeurs traditionnelles» et patriotiques.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/12/15/b2a95e9b-a028-4108-8082-99f1b976e669.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.5&fp-y=0.5003663003663004&s=e81bb9d7f5ac76ad90521b3b6fe0684b)
Vladimir Poutine s’est fait l’apôtre des familles nombreuses au nom de «valeurs traditionnelles» et patriotiques.
AFPAtrophiée par des décennies de crise démographique, affaiblie par les ravages du Covid et désormais meurtrie par les pertes sur le front en Ukraine, la Russie se lance dans une croisade nataliste, avec un nouvel ennemi: l’avortement. En phase avec la doctrine toujours plus conservatrice de Vladimir Poutine, une multitude de régions russes ont commencé cet hiver à restreindre l’accès à l’avortement dans les cliniques privées. Elles ont aussi rendu les contraceptifs d’urgence plus difficiles à obtenir. Les autorités sanitaires ont pour leur part demandé aux médecins des établissements publics de faire tout ce qu’ils peuvent pour dissuader les femmes d’y avoir recours.
Alors que la Russie bolchévique a été le premier pays au monde à dépénaliser l’avortement en 1920, le Kremlin se rapproche lui pas-à-pas de la ligne anti-IVG portée par l’Eglise orthodoxe. M. Poutine s’est fait l’apôtre des familles nombreuses au nom de «valeurs traditionnelles» et patriotiques, mêlant morale et problèmes démographiques pour justifier ses positions, tout en présentant la Russie comme le contre-poids à un Occident décadent car féministe et tolérant à l’égard des LGBT+.
«Donnez naissance à plus de soldats»
Le président russe s’est certes dit jeudi opposé à l’interdiction de l’avortement, mais il a martelé que les IVG étaient contre l’intérêt d’un pays: «L’Etat a intérêt à ce que le problème démographique se résolve de lui-même si les femmes décident, après avoir appris qu’elles sont enceintes, de préserver la vie de l’enfant».
La trajectoire démographique de la Russie est catastrophique depuis la fin de l’époque soviétique. Si le droit à l’avortement n’a jamais été sérieusement remis en question jusqu’ici, des voix favorables à des restrictions sont de plus en plus audibles, notamment depuis le début de l’assaut russe contre l’Ukraine en février 2022. «Lorsqu’un pays est en guerre, cela s’accompagne généralement de ce type de mesures», affirme à l’AFP Leda Garina, une militante féministe russe qui vit en exil en Géorgie. Pour elle, il s’agit de dire: «Donnez naissance à plus de soldats».
Vladimir Poutine, qui brigue un nouveau mandat en mars 2024, a fait en outre de la défense des valeurs familiales conservatrices un axe majeur de sa politique. Depuis des années, le Kremlin multiplie les incitations financières natalistes. Cette politique a pris une nouvelle signification depuis la guerre. «Ils considèrent qu’il s’agit d’une question de survie nationale», souligne la politologue Tatiana Stanovaïa. Elle pense aussi que M. Poutine considère toute opposition à ses positions sociétales comme l’illustration d’un complot russophobe occidental. «Convaincre une femme d’avorter est un moyen d’aggraver le problème démographique de la Russie: c’est le plan de l’Occident», explique-t-elle.