JuraCœur de cochon pour un chirurgien jurassien
Natif de Delémont, le Dr Raphaël Meier mène une brillante carrière américaine après avoir assisté à la première xénogreffe au monde.
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Le Jura tient son nouveau René Prêtre, célèbre chirurgien du cœur parti à la retraite le 1er août dernier après 6000 opérations cardiaques. Vendredi, «Le Quotidien Jurassien» a présenté à ses lecteurs Raphaël Meier (41 ans), un chirurgien présent le 7 janvier 2022 à Washington. à la première transplantation d’un cœur de cochon sur un patient humain, David Bennett (57 ans), décédé 61 jours plus tard.
«Le patient de la première transplantation cardiaque, en 1967, n’a survécu que 18 jours. Et celui de la première greffe du foie, en 1963, mois d’un jour! Mais regardez aujourd’hui: ces opérations sauvent des milliers de vies», a indiqué le chirurgien au «Quotidien Jurassien». Raphaël Meier envisage des xénogreffes surtout pour le rein et, partiellement, pour le pancréas, sur les îlots qui sécrètent de l’insuline, au profit des diabétiques.
Né à Paris d’une mère dermatologue et d’un père rhumatologue, Raphaël Meier a grandi à Delémont avant d’étudier au lycée cantonal de Porrentruy. Son amour pour cette région rayonne quand il dit qu’«on a son cœur là où on a grandi».
Seul d’une fratrie de quatre à s’être lancé dans la médecine, ce chirurgien établi depuis six ans aux États-Unis s’est spécialisé dans la greffe de foie, de rein et du pancréas. Son rôle est parfois celui d’un préleveur d’organe pour un adulte ou un enfant en attente d’une greffe. Interview après une greffe du foie réalisée jeudi à Baltimore:
Que représente pour vous René Prêtre?
«Un modèle qui a dédié sa vie à la médecine! Il n’y a rien de plus incroyable que de sauver la vie d’un enfant».
Devenez-vous son successeur?
«(Rire) Je lui ai envoyé un petit message après la xénogreffe et il m’a répondu avec des salutations jurassiennes… Dans nos métiers, les contacts sont rapprochés: les chirurgiens sont comme des pianistes qui interprètent un morceau à quatre mains. Mais il faut aussi aller au-devant du public: les gens ont besoin de donner un visage à une démarche médicale».
Verra-t-on votre visage régulièrement?
«Faire le porte-drapeau, c’est utile pour favoriser le don d’organes, un rôle facile à jouer quand on voit les gens mourir. Rien qu’aux États-Unis, il y a 100 000 patients en attente pour 25 000 greffes rénales réalisées annuellement». Les citoyens américains portent tous une «driving licence», un ersatz de carte d’identité qui arbore un petit cœur quand vous êtes donneur. Les Américains font souvent preuve d’une grande générosité».
Les pays sont-ils égaux devant le don d’organe?
«L’Espagne a créé la surprise l’an dernier en étant No 1 en nombre de donneurs par million d’habitants. C’est trois fois plus qu’en Suisse, dernière de classe, ce qui a débouché sur un changement politique, avec la notion du consentement présumé. On peut sauver sept vies avec un donneur, en prélevant deux poumons, deux reins, un cœur, un foie et un pancréas».
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Le chirurgien de Delémont (JU) aimerait restituer en Suisse ce qu’il a appris aux États-Unis.
DRQue retirez-vous de la première xénogreffe?
«On ne voit pas derrière cette opération les décennies de travaux de laboratoire et ces gestes répétés des dizaines de fois. Chaque expérience est aussi compliquée qu’avec un véritable patient».
Reviendrez-vous opérer en Suisse?
«Tout dépendra des opportunités, mais on a son cœur là où on a grandi… J’aimerais restituer en Suisse ce que j’ai appris aux États-Unis, où les possibilités sont infinies».