BienneUn UDC à fond contre l’homophobie et la transphobie
Le conseiller municipal biennois Beat Feurer milite contre les discriminations. Et il n’est pas le seul dans son parti.
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Beat Feurer, directeur de l’action sociale et de la sécurité.
lematin.ch/Vincent DonzéLancée il y a peu, la campagne «divers BielBienne» contient un paquet de mesures pour lutter contre l’homophobie et la transphobie dans l’espace public. Par cet engagement, le Conseil municipal (Exécutif) s’oppose «résolument» à ce que des personnes soient discriminées en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.
«Capitale de la diversité, Bienne se nourrit de cette variété, offrant à toutes et tous la possibilité de se développer», ont martelé les autorités composées de deux socialistes, d’une radicale, d’une Verte et d’un UDC. Qui parmi ces cinq élus incarne le mieux la vision du Conseil municipal? L’UDC Beat Feurer! Entretien avec cet élu pas comme les autres:
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Directeur de l’action sociale et de la sécurité, Beat Feurer pose devant une affiche de Nino. G, un musicien qui pratique le beatboxing.
lematin.ch/Vincent DonzéUne campagne contre l’homophobie, pourquoi en 2022?
L’origine de cette campagne se trouve dans une lettre d’un psychiatre qui partageait son inquiétude, il y a deux ans. Le Conseil municipal était alors composé de trois homosexuels sur cinq élus (ndlr. Beat Feurer (UDC), Cédric Némitz (PS), Barbara Schwickert (Verts). On n’a pas compris tout de suite, on avait l’impression que ce thème n’était plus d’actualité. Mais on s’est mis à l’écoute de différentes organisations et là, dans d’autres milieux, on a reçu d’autres réactions, celles de jeunes qui le soir, dans les bars et les clubs, ne se sentaient pas en sécurité.
C’est une autre réalité?
Nous, les vieux, on ne sort plus dans les discos… Nous avons découvert une réalité qui ne touche pas les aînés. Cette réalité montre que souvent, des personnes subissent encore des harcèlements et des violences en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Vous, dans les années 70-80?
Moi, quand j’étais jeune, je ne sortais pas dans les clubs. Je ne m’affichais pas non plus, je l’ai fait bien plus tard. Ma vie n’est pas comparable à d’autres.
Vous ne sortiez pas à cause de votre orientation?
Non, je n’en avais tout simplement pas envie. Cette vie nocturne ne m’intéressait pas. Vous ne souffrez de votre orientation que lorsque vous avez l’impression de devoir vous cacher, quand, par crainte, vous ne sortez pas en discothèque.
Devoir se cacher?
C’est un sentiment intime de sentir que quelque chose ne fonctionne pas à l’intérieur de soi et qu’il faut le cacher. Mais ça donne une compréhension de soi-même. C’est tellement ancré que ça devient difficile de se révéler comme un livre ouvert, d’être honnête avec soi-même. Ce n’est pas sain. D’avoir dit qui je suis, ça m’a tout facilité, ça m’a ouvert des fenêtres en laissant entrer de l’air frais. Mais la lutte contre les préjugés ne m’a jamais quitté: il y a des souffrances sous les insultes et les agressions physiques.
C’est de Bienne qu’on attend une réaction?
Ce n’est pas une question de ville. La majorité de l’époque avait cette sensibilité, cette volonté de ne rien banaliser, C’est par hasard que le sujet a été abordé à Bienne. Je remarque plutôt une différence entre ville et campagne. Dans des familles, à la campagne, on ne parle pas de ce sujet, on n’y touche pas, ou alors entre les lignes…
Y a-t-il aussi une différence culturelle?
L’association «Gays dans l’UDC» a fait beaucoup de bruit en Suisse romande. Il y a douze ans, toutes mes interviews étaient côté francophone. Les Alémaniques se disent souvent que les Romands n’ont pas des têtes carrées comme eux, mais sur ce sujet, ils ne sont pas les plus ouverts.
La Romandie, et au-delà?
La problématique vient souvent d’une culture qui n’est pas la nôtre. Ce sont des étrangers qui n’ont pas les mêmes valeurs, qui ont des problèmes de compréhension. On s’adresse entre autres à eux, mais sans les désigner, ni les dénigrer. Nous avons cherché des ambassadeurs qui ont un lien avec ces communautés.
Votre campagne sera-t-elle reconduite ailleurs?
C’est bien possible. Un intérêt se manifeste et nous sommes très fiers de cette campagne, très bien lancée.
Le mot qui vous fait le plus mal?
J’ai eu de la chance, on m’a jamais adressé d’injure. Ce ne sont pas les mots qui me toucheraient, mais l’état d’esprit derrière eux. Sans haine ou rejet à travers des mots, vous pouvez dire ce que vous voulez. Quand c’est dit avec un sourire, c’est autre chose qu’avec de la haine.
Il y a douze ans, au moment de présider l’association «Gays dans l’UDC», une structure indépendante au niveau national, Beat Feurer témoignait dans «Le Matin»: «Les homos ne sont pas tous de gauche».
«C’est précisément à l’UDC qu’il faut s’engager pour changer les mentalités», disait-il alors. Quand il était engagé dans l’Église évangélique libre, Beat Feurer a bridé sa sexualité. Son entourage ne l’a pas aidé à libérer sa parole: «Je ne veux plus en entendre parler!» lui a répondu son père, en apprenant son homosexualité.
Ses parents ont divorcé quand il avait cinq ans. Son coming out, Beat Feurer l’a osé quand il avait 45 ans: «Mon seul regret est de ne pas l’avoir fait plus tôt», disait-il en 2010. Il était alors pacsé avec son compagnon, alors que son parti était opposé à la loi sur le partenariat.
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La députée UDC Sandra Schneider milite aussi contre l’homophobie et la transphobie.
lematin.ch/Vincent Donzé
Dans le cadre de cette campagne, des affiches montrent des Biennois et Biennoises plus ou moins célèbres qui «appellent à la tolérance et à la solidarité avec les personnes queer et prônent le courage civil». Sur le site internet du même nom, des personnes LGBTIQ+ racontent les réactions négatives auxquelles elles sont confrontées dans leur vie de tous les jours et lorsqu’elles sortent le soir à Bienne.
Le message des autorités:
«Cette campagne entend montrer ces problèmes à la population et inciter les gens à aider les personnes qui se trouvent dans des situations discriminantes», expliquent les autorités. Le site internet donne aussi un aperçu des bases légales liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle. Il renvoie également à des organismes fournissant des conseils et des informations».
«Un service de signalement a été créé pour les personnes qui sont victimes ou témoins de discriminations. Les incidents peuvent être rapportés par téléphone (032 326 12 05) ou par courriel (discrimination @biel-bienne.ch). Les signalements fourniront à la Ville un aperçu des lieux où se produisent ces discriminations dans l’espace public et des formes qu’elles prennent. Ces informations permettront aussi de sensibiliser les organes en charge de la sécurité, qui pourront alors prendre des mesures préventives».