FootballEt vous, Messi, Neymar, Mbappé au PSG, ça vous fait rêver?
Que feraient-ils à la place de Pochettino? Des experts romands s’expriment sur le trio magique du Paris St-Germain.
- par
- Christian Maillard
Quel joueur ou entraîneur sur la planète n’a jamais souhaité jouer ou diriger un jour dans son équipe Lionel Messi? Quel est le passionné de football qui n’a jamais rêvé de se retrouver sur un terrain à côté de l’Argentin, de Neymar ou de Kylian Mbappé? Au PSG, Mauricio Pochettino a le sentiment qu’avec ces trois artistes réunis sous le même maillot, on lui a mis Paris en bouteille et il a franchi le mur du songe. Qu’en pensent les spécialistes dans notre pays? De Carlos à Varela à Stéphane Chapuisat, en passant par son père, Yves Débonnaire et Gilbert Gress, ils donnent leur avis sur cette triplette magique appelée à faire tourner les défenses françaises et européennes en bourrique.
Carlos Varela: «Entraîner le PSG, c’est un autre métier»
Carlos Varela (ancien joueur, aujourd’hui consultant à Blue et à la RTS): «C’est sûr que ces trois-là, ça fait rêver. Aucun entraîneur ne va se plaindre de posséder dans son équipe le meilleur joueur du monde capable de gagner un match tout seul. Maintenant, le coach va devoir gérer les egos pour que tout le monde s’entende bien, et définir qui va tirer les coups francs ou les penalties, par exemple. Entraîner le PSG aujourd’hui, c’est un autre métier que dans un autre club.
»Maintenant, je ne suis pas convaincu que cette formation puisse gagner la Ligue des champions, le seul but du club et de son président. Ou alors on trouve deux milieux de terrain à vocation défensive qui vont compenser le manque de travail des trois super attaquants.
»Neymar, Mbappé ou Messi vont s’habituer à ne parcourir que 1, 2 ou 3 km par match en L1, ce qui est suffisant en France, mais pas en Ligue des champions, où il y a beaucoup de très belles équipes. Je ne suis pas certain qu’il faille aligner les trois stars ensemble, sinon qui va défendre? Di Maria, qui n’a jamais été aussi bon que lorsque Neymar et Mbappé n’étaient pas là, sera de trop. À l’entraîneur d’être intelligent pour équilibrer son équipe.»
Yves Débonnaire: «La clé c’est de trouver le bon équilibre»
Yves Débonnaire (ancien joueur et entraîneur, consultant à la RTS): «S’ils veulent jouer tous ensemble et défendre ça peut être chouette. Pour tous les entraîneurs du monde, quand tu disposes de tels artistes, c’est extraordinaire. Mais il faut trouver l’équilibre. Abondance de biens peut nuire. Avec Messi, Mbappé et Neymar, t’as trois positions offensives. Du coup, il faut être réaliste, Di Maria ne va pas jouer.
»Je pense que le système idéal serait d’évoluer à trois derrière avec Marquinhos, Kimpembe et Ramos solides, Hakimi et Bernat sur les côtés, soit des joueurs capables de prendre des espaces, avec juste devant eux Wijnaldum et Verrati, deux demis axiaux défensifs. Et en attaque, les trois individualités qui peuvent faire la différence, comme peu de joueurs au monde peuvent le faire s’ils sont au service du collectif.
»De toute manière, peu importe le système et la composition, la clé c’est de trouver le bon équilibre. Au niveau des egos, le point positif c’est que tout le monde à part Icardi avait envie que Messi vienne à Paris, même si certains comme Di Maria vont moins jouer.
»Maintenant, on peut se poser des questions sur le fair-play financier, alors que Paris avouait un déficit budgétaire de 240 millions avant l’arrivée de Messi. Avec ce business, le foot se perd un peu. À mon avis on devrait imposer, comme en Espagne, un «Salary cap» pour la Champions League: si on ne met pas un gros coup de frein, ça va être un carnage.
»Dans ce monde de dingue, il faut se poser les bonnes questions, même si aujourd’hui tout le monde a envie de jouer contre le Paris de Messi, Neymar et Mbappé et que le public est prêt à mettre le prix pour les voir à l’œuvre. À l’image des droits TV exorbitants, il n’y a plus rien de rationnel. Or, comme Cruyff l’avait si bien dit un jour, ce n’est pas l’argent qui marque des buts!»
Stéphane Chapuisat: «J’aurais eu du plaisir à évoluer avec ces trois-là»
Stéphane Chapuisat (ex-international, entraîneur des attaquants à Young Boys): «Cela ne doit pas être un problème de coacher ce PSG si on trouve un bon équilibre dans l’équipe avec de bonnes transitions. Je pense que dans le championnat de France, ces trois-là vont se régaler et dominer. Mais ce n’est pas la même chose d’aller à Clermont que de jouer en Europe, où là, ces joueurs offensifs vont devoir défendre. Neymar en est capable. Il est clair qu’il y a beaucoup d’attente entre ces trois qui s’apprécient et se respectent. Moi j’aurais eu du plaisir à évoluer avec ces trois-là.
»On ne sait pas non plus s’ils seront tous là dans les prochaines semaines, mais une chose est sûre: la plupart de leurs adversaires seront hyperdéfensifs en jouant très bas, surtout en Champions League où le PSG devra aller au-delà de ses limites pour être à la hauteur de ses ambitions.
»Peut-être qu’avec Young Boys on va retrouver les Parisiens en Ligue des champions, mais ce n’est pas un rêve. Nous, ce qu’on veut c’est juste passer le prochain tour.»
Gabet Chapuisat: «Cela ne me dérangerait pas de coacher cette équipe»
Gabet Chapuisat (ancien joueur, entraîneur, consultant à Blue et chroniqueur à La Côte): «Pour l’entraîneur du PSG, ça va être un sacré casse-tête. Avec Angel Di Maria en plus, cela fait quatre joueurs qui ne défendent pas. C’est donc impossible qu’ils jouent ensemble. Il est vrai que Wijnaldum possède 10 poumons, mais il lui en faudra 25 pour combler les trous. Lionel Messi ne va pas effectuer un mètre pour récupérer un ballon alors que Neymar ne va pas faire beaucoup plus d’efforts.
»Par ailleurs, on ignore également ce qui va se passer avec Mbappé. Est-ce que Paris souhaite prolonger son contrat ou s’en débarrasser? S’il reste, tout va être un problème d’équilibre. L’entraîneur va probablement souhaiter des petites blessures pour arranger son dilemme.
»Il est évident qu’avec son jeu fait de dribbles, Messi prend beaucoup de coups, mais il sera certainement protégé par les arbitres, il sera intouchable. Comme en Espagne, il sera respecté. Avec le merchandising et la vente des maillots à son nom, cela va payer son salaire. Du coup, il ne va rien coûter au club. Maintenant ce n’est pas avec des millions qu’on a forcément la meilleure équipe. Il faudra aussi s’attendre à ce que les adversaires de Paris en France garent le bus devant leur but.
»S’ils tombaient contre YB en Ligue des champions? Ce serait sympa. À 34 ans, même si Barcelone reste sur une saison de m…, Messi a tout de même été meilleur buteur du championnat d’Espagne. C’est juste dommage qu’il soit plus près de la fin de carrière que des débuts, mais c’est un type sérieux qui se prépare, un bon père de famille tranquille qui ne fait aucun tapage, c’est un exemple. Ce n’est pas lui qui va aller plier une Ferrari. Il nous a fait rêver et j’espère que cela va encore durer deux ans.
»On se réjouit de voir cet amalgame de stars, mais Pochettino a la pression. Il est obligé de faire des résultats, sinon les Qataris vont finir par perdre patience. L’an passé, il n’a même pas remporté la Ligue 1. À vrai dire, cela ne me dérangerait pas de coacher cette équipe en sachant qu’il faudrait opérer des choix.»
Gilbert Gress: «J’ai été fan de Messi et de la grande équipe du Barça»
Gilbert Gress (ancien joueur, entraîneur et sélectionneur, aujourd’hui consultant): «Tant qu’ils ont le ballon, ça va, mais quand la défense adverse l’aura, lequel des trois va faire le pressing et le travail défensif pour le récupérer? Ces trois joueurs ensemble, cela va le faire dans le championnat de France qui est d’un niveau bien plus faible que ceux d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne ou d’Angleterre. En Coupe d’Europe, cela va être une autre paire de manches.
»À propos de Messi, j’ai été fan de la grande équipe de Barcelone pendant des années. Quand il y avait encore Iñesta, Puyol et Xavi, je ne ratais pas un match du Barça, quitte à me lever la nuit. Maintenant, depuis deux ans, il m’arrive de couper à la mi-temps et de changer de chaîne, parfois même après une demi-heure. Car ce Barcelone-là, par sa manière de jouer, m’ennuyait. Ce n’était pas seulement la faute de Messi, qui court de moins en moins. Mais heureusement qu’il marque des buts, sinon l’équipe jouerait à dix, ce qui fait que depuis 2019 Barcelone, qui plus est sans Xavi et Iñesta qui n’ont pas été remplacés, n’a pas gagné grand-chose non plus. Cela manque de talent.
»Je suis curieux de voir ce qui va se passer à Paris. Le PSG va-t-il devoir jouer avec ces trois attaquants et huit défenseurs? Qui va faire le pressing? Maintenant, le football moderne a vraiment changé. On ne parle plus du ballon rond, du jeu, mais des millions. Même les fans ont changé. À mon époque, quand j’étais joueur, pas hier mais avant-hier, vous savez ce que les supporters nous criaient? «Vous êtes trop payés fainéants!» On gagnait 2000 à 3000 balles par mois! On n’entend plus ces remarques dans le public aujourd’hui, au contraire.
»Le maillot de Messi, qui vaut plus de 100 francs, se vend comme des petits pains. C’est fou. Dans le foot, il n’y a plus que le fric qui compte, et les joueurs sont devenus plus importants que le président et l’entraîneur. Tant que Paris n’aura pas compris ça, ce ne sera jamais un grand club. Le club a même viré ses deux derniers coaches qui ont remporté une Coupe d’Europe derrière, tandis que Pochettino n’a pas gagné un titre et on le prolonge. C’est vraiment bizarre.»