Qatar 2022Pourquoi Xherdan Shaqiri est-il l’homme des grands tournois?
Le meneur de jeu de 31 ans marque à chacune des compétitions majeures avec l’équipe de Suisse. Un destin glorieux.
- par
- Valentin Schnorhk Doha
Une certaine partie de nous devait le savoir, ce 25 juin 2010. C’était à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Xherdan Shaqiri y disputait ses premières minutes en Coupe du monde, parce que l’histoire de l’équipe de Suisse d’Ottmar Hitzfeld, incapable de gagner contre le Honduras, dans ce Mondial était terminée. C’était le début de la sienne, lui qui n’avait porté que trois fois le maillot suisse avant ça. On pouvait s’imaginer qu’on l’accompagnerait encore de belles années.
Shaqiri n’avait pas encore 19 ans. Il en a maintenant 31, et il porte sur ses épaules une partie du destin de la Suisse dans ce Mondial, avec ce 8e de finale à jouer contre le Portugal mardi (20 heures). Ses douze ans d’histoire en équipe nationale ne sont pourtant pas tout roses. Régulièrement blessé, parfois peu intéressé comme lorsqu’il avait décliné une sélection à l’automne 2019, il compte 111 sélections mais il pourrait en avoir trente de plus.
Reste qu’il y a une récurrence. Minuté comme un réveil, qu’importent les situations scabreuses dans lesquelles il s’est embarqué en club où il a plus souvent vu le banc que le terrain ou évolué dans un championnat mineur comme actuellement avec Chicago, il a toujours répondu présent dans les grandes compétitions: Coupe du monde 2014, Euro 2016, Coupe du monde 2018, Euro 2020 et désormais la Coupe du monde 2022.
L’égal de Ronaldo et Messi
À chaque fois, il marque. Au minimum. Il est d’ailleurs le seul joueur avec Cristiano Ronaldo et Lionel Messi à avoir inscrit un but dans les trois dernières Coupe du monde. Le respect s’impose par ce genre de données historiques. «Je suis fier d’être associé à de si grands joueurs, sourit «Shaq». Cela me fait quelque chose de spécial. Je le savoure. Je profite de chaque instant passé au Mondial, chaque match disputé sous le maillot de l’équipe de Suisse.»
Ce sont dans leur globalité que les chiffres deviennent encore plus parlants. En Coupe du monde, Xherdan Shaqiri a disputé onze matches et a inscrit cinq buts: le triplé contre le Honduras, et deux buts contre la Serbie, un en 2018 et l’autre vendredi. À l’Euro, ce sont quatre réalisations en neuf matches: il y a cette merveille contre la Pologne en 2016, le doublé contre la Turquie en 2021, ainsi que le but en quart de finale lors de l’élimination contre l’Espagne. Ce n’est pas la masse qui compte, même si la moyenne ferait pâlir certains buteurs réputés, mais la régularité. On peut même y ajouter quatre passes décisives au total. L’homme des grands tournois, ce n’est autre que lui.
Le tableau est mystique. Pourquoi lui, pourquoi à chaque fois? Pourquoi en doute-t-on souvent (c’était encore le cas avant ce Mondial, lorsqu’il est arrivé hors de forme et qu’il traînait son manque de rythme lors du match amical contre le Ghana) et finit-il toujours par trouver une réponse qui est de nature à satisfaire un pays entier? «Il est important pour moi d’être capable de montrer que je peux réaliser de bonnes prestations lors des rencontres capitales, lorsque cela compte et pas seulement dans des matches moins décisifs ou contre de petites équipes, disserte-t-il. Jusqu’à maintenant, j’y parviens. Je veux pouvoir aider l’équipe dans ces grosses compétitions, en marquant et en donnant des passes décisives.»
Fort mentalement
Il y a quelque chose du champion. Peut-être à temps partiel, sur mandat. Même s’il ne faut pas lui enlever les 18 autres buts qu’il a inscrit en sélection, lors de matches amicaux ou de qualification. Mais existe-t-il meilleur Xherdan Shaqiri que le Xherdan Shaqiri des phases finales? Dans ces moments-là, il y a comme une forme de bulle qui l’entoure. Comme si le destin qu’on lui promettait au début de sa carrière n’avait choisi que ces grandes scènes et ce costume rouge à croix blanche pour s’écrire.
Là, le doute ne fait pas partie de lui. «La force mentale que j’ai me permet d’être prêt sur le terrain, peu importe l’état de forme dans lequel je me trouve, assène-t-il, convaincu. Il suffit d’une ou deux actions pour décider d’un match.» Vendredi, il y en a eu trois: son but, et les deux autres sur lesquels il est directement impliqué. On ne se souvient plus que de ça, et pas de son erreur sur le deuxième but concédé ou de la manière dont il a laissé Silvan Widmer souffrir sur son côté.
«Lorsque je lis que je ne défends pas ou trop peu, ce sont pour moi des bêtises, s’agace-t-il. Je dois faire un travail défensif, comme l’ensemble de l’équipe. C’est normal. Mon poste à droite me demande de le faire. Je suis un joueur solidaire avec mon équipe. Mais il est normal et naturel que je puisse aussi miser sur mes qualités, à savoir le versant offensif. Je le fais de mon mieux.» Et il croit en lui, plus qu’un autre, peut-être: oui, il s’est énervé quand Murat Yakin l’a remplacé, parce qu’il était persuadé de pouvoir encore amener quelque chose.
Question de conviction. «Est-ce que je suis un grand joueur? Je pense que oui.» Si un grand joueur est celui qui répond présent dans les grands rendez-vous, difficile de le contredire. Il y a douze ans, on n’en espérait pas tant.