Secte au Kenya : Le cauchemar de la soeur d’un adepte accusé d’avoir affamé ses enfants

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Secte au KenyaLe cauchemar de la sœur d’un adepte accusé d’avoir affamé ses enfants

Après la révélation du «massacre de la forêt Shakahola», Roseline a rejoint la côte pour tenter de retrouver ses cinq neveux et nièces. Mais ses espoirs s’estompent chaque jour un peu plus.

«Je suis allée au centre des secours pour essayer de trouver ne serait-ce qu’un enfant. Je n’ai rien trouvé», soupire Roseline Asena.

«Je suis allée au centre des secours pour essayer de trouver ne serait-ce qu’un enfant. Je n’ai rien trouvé», soupire Roseline Asena.

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Quand le petit frère de Roseline Asena a arrêté de boire, après avoir rejoint la secte évangélique kényane dirigée par Paul Nthenge Mackenzie, elle a loué ce pasteur pour l’avoir «sauvé» de l’alcoolisme. Elle n’imaginait pas que 20 ans plus tard, Kevin Sudi Asena serait accusé d’avoir aidé à affamer des dizaines de fidèles, y compris sa femme et ses enfants, dans ce qui est désormais appelé «le massacre de la forêt Shakahola».

«Mon cœur s’est serré»

Au moins 109 personnes, dont une majorité d’enfants, sont mortes dans cette forêt de la côte kényane, où vivaient les adeptes de l’Église Internationale de Bonne Nouvelle du pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie, qui prônait de jeûner jusqu’à la mort pour «rencontrer Jésus». L’affaire a plongé dans l’horreur ce pays très religieux d’Afrique de l’Est.

Lorsque Roseline Asena a vu son frère menotté à la télévision, «mon cœur s’est serré, j’ai eu peur», raconte à l’AFP cette mère de trois enfants, de 43 ans. Selon les enquêteurs, il faisait partie – avec quinze autres suspects arrêtés – d’un groupe d’«hommes de main» chargé de veiller à ce qu’aucun adepte ne rompe le jeûne ou ne s'échappe de la forêt. Les autopsies pratiquées sur 100 corps retrouvés à Shakahola ont révélé que si la plupart des victimes sont mortes de faim, certaines ont été étranglées, étouffées ou battues. Après la révélation du «massacre» fin avril, Roseline a rejoint la côte pour tenter de retrouver ses cinq neveux et nièces.

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«Déjà fou» 

Les Asena ont commencé à constater les dérives de l’Église internationale de Bonne Nouvelle lorsque Kevin les a exhortés à retirer leurs enfants de l’école, suivant les prêches du pasteur Mackenzie affirmant que la Bible n’approuvait pas la scolarisation. D’autres sermons s’opposaient au recours au paiement numérique, aux soins dans les hôpitaux, à la vaccination ou au port de perruques chez les femmes.

La famille a désespérément tenté de convaincre l’ancien mécanicien de quitter cette église, pour laquelle il avait déménagé du comté de Vihiga, dans l’ouest du Kenya, à la ville côtière de Mombasa, à 800 kilomètres de là. En 2019, lorsque le prédicateur a fermé son église et demandé à ses fidèles de venir dans le village reculé de Shakahola, Kevin n’a pas hésité. «Il a dit qu’il ne voulait pas de sa terre et de sa maison, qu’il allait voir Jésus», relate Roseline Asena: «Quand il est parti, il était déjà fou.»

En février, leur mère a reçu un appel téléphonique de Kevin qui lui a dit qu’il était en chemin pour «rencontrer Dieu» sur le Golgotha, la colline où Jésus a été crucifié dans la Bible. Lorsque les premières fosses communes ont été découvertes, leurs pires craintes se sont confirmées.

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«Notre mère est brisée»

Kevin Asena et les «hommes de main» chargés de surveiller, armés de gourdins et de machettes, les fidèles, «semblaient bien nourris, contrairement aux victimes souffrant de malnutrition sévère», selon des documents judiciaires consultés par l’AFP. Sa femme, qui a donné naissance dans la nature à leur plus jeune enfant il y a un an, un petit garçon nommé Syla, a été retrouvée seule, le corps très amaigri. Elle reçoit désormais une assistance psychiatrique. Personne ne sait encore si les enfants sont vivants.

«Je suis allée au centre des opérations de secours pour essayer de trouver ne serait-ce qu’un enfant. Je n’ai rien trouvé», soupire Roseline Asena. Il est impossible de savoir s’ils figurent parmi les corps retrouvés, les opérations d’identification des dépouilles, dont certaines étaient en état de décomposition avancée, sont toujours en cours. Ses espoirs de retrouver l’un des enfants vivants s’estompent chaque jour un peu plus. «Notre mère est brisée. Il semble que toute cette génération d’enfants a été anéantie.»

(AFP)

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