Jugé à Nyon (VD)Le papa: «Ça, c’est quelqu’un qui est fou, c’est pas moi!»
Accusé d’avoir frappé ses petits garçons, le père de 34 ans est inébranlable. Face aux juges de La Côte, il réfute toutes les allégations.
- par
- Evelyne Emeri
Une douzaine de classeurs fédéraux et des faits qui s’étendent de fin décembre 2017 à mars 2020, date de son arrestation. Musa* occupe la justice depuis une petite décennie (agression, coups, bagarre), mais cette fois-ci la violence présumée se serait retournée contre ses deux petits garçons, nés en juin 2015 et en décembre 2016. C’est du moins le point central du procès qui se joue durant deux jours à Nyon (VD). Et qui devrait occuper prioritairement la Cour correctionnelle d’arrondissement de La Côte. Contre toute attente, les juges ont préféré liquider d’abord le cas des victimes financières, embobinées par ce peintre en bâtiment dont les sociétés partaient en faillite.
Plaignantes en larmes
Plusieurs plaignantes. Des ex du prévenu devenues ses amies, des amies devenues des relations, d’autres qui l’ont repoussé après avoir été «engagées» comme baby-sitters alors qu’il purgeait une peine de semi-détention (ndlr. nuit en prison) et qu’il avait la garde de ses enfants en accord avec la maman dont il était séparé. Toutes ont été flouées, aux poursuites par sa faute. En audience, elles sont en larmes et, par-dessus tout, honteuses de lui avoir fait une confiance aveugle. Pendant ce temps, le Nigérian usurpait leur identité, falsifiait des contrats, s’offrait villa et logements luxueux, roulait en Audi Q8 sans permis. «Il faut me laisser travailler. Pour ça, je dois être dehors. J’ai fait des erreurs. J’ai été con. Je suis prêt à les rembourser», promet l’accusé.
Beau-père exemplaire
Puis ce fut le tour d’un plaignant. Pas n’importe lequel. Le compagnon de l’ex-épouse de Musa, le beau-père des bambins, âgés aujourd’hui de 7 et 5 ans et demi. Innocenté, le saint homme s’est fait traîner dans la boue et calomnié par le ressortissant africain qui l’a dénoncé à la justice pour attouchements sexuels. «J’ai eu tort, je reconnais que c’est faux, concède le papa, aujourd’hui nous avons fait la paix.» La paix grâce à un beau-papa qui a retiré sa contre-plainte et va jusqu’à lui amener ses petits en prison: «Je voulais laver mon honneur et je voulais stopper tout ce qui pourrait affecter leur stabilité. Ils sont heureux de voir leur père. Ils s’appellent aussi. Il faut faire table rase du passé.»
«Ses enfants, sa priorité»
La psychologue ponctuelle (7 ou 8 séances entre 2014 et 2018) de Musa, unique témoin appelée à la barre (!), est venue raconter sa claustrophobie et sa peur de l’enfermement. Un traumatisme d’enfance induit par une voisine qui le gardait avec son frère jumeau pendant que sa mère travaillait et les séquestrait. «Il avait des pensées suicidaires, aucun autre trouble. Ses enfants, c’était sa priorité», affirme-t-elle. «C’est lui qui a fait la démarche. Il voulait se libérer de cette phobie. C’est un homme très poli, très correct, très motivé, très doux, gentil. Il ne s’énervait jamais. Il était crédible», poursuit celle qui dit ignorer ce que son ancien patient fait sur le banc des accusés aujourd’hui.
Traits psychopathiques
Effleurée aux débats, l’expertise judiciaire est plus alarmiste: inquiétudes importantes quant à son comportement dans le passé envers ses enfants; forte suspicion de négligence et probable maltraitance, possiblement involontaire en raison de ses limites cognitives; traits psychopathiques avérés avec manque de maîtrise de soi; sexualisation inappropriée à proximité des enfants. À dire d’experts, Musa pourrait leur nuire psychiquement ou physiquement sans surveillance et tant que le tableau clinique ne s’est pas amélioré. Les spécialistes concluent du reste à une diminution de responsabilité pénale importante et préconisent des mesures thérapeutiques institutionnelles au sens de l’article 59 du Code pénal.
«C’est tout faux, pff…»
L’accusation principale – la maltraitance présumée de ses garçons – sera donc instruite en dernier lieu et rapidement. Musa, il ne faut pas trop le bousculer, sinon il se met à bégayer. Le stress et le traumatisme. Il conteste tout. Sur ce point précis pourtant, l’élocution est plus fluide. Face à la curatrice, il a réponse à tout: «J’ai bien fait à 200%, je les ai bien traités. L’acte d’accusation, c’est tout faux. J’ai blessé mon aîné avec une télécommande que je lançais à sa mère. Elle est tombée sur son front, pff… C’était un accident. Je n’ai jamais levé la main sur eux. Je ne vais jamais accepter ça». Menacé d’expulsion, il prévient d’ores et déjà le tribunal «qu’il ne quittera pas la Suisse sans eux».
«On tourne en rond»
Ont-ils dormi dans ses bureaux? Procès-verbaux d’audition à l’appui, le prévenu ne se décontenance pas: «La police a mal compris le français qui sortait de ma bouche». La chronologie des domiciles? Compliqué. Le nombre de nounous (jeunes) quand il rentrait dormir en prison? Variable. Les envois de photos de son anatomie à deux d’entre elles? «Je me suis embrouillé et ce n’était pas mon pénis. Je ne suis pas un psychopathe. J’ai des copines», insiste-t-il. Six confirment pourtant avoir été draguées, avoir dû regarder des photos ou vidéos à caractère sexuel ou encore avoir eu des relations. «Tout est faux, c’était un clip d’un chanteur sur YouTube». «On tourne en rond», fait enfin remarquer le président de céans, Lionel Guignard.
«Papa m’a tapé»
La procureure Marlène Collaud de se saisir de la suite. S’agissant des blessures au visage constatées à l’école sur le cadet et de ses déclarations: «Papa s’est énervé. Il m’a tapé. Mais ça ne fait pas mal». Musa: «Il était au parc avec une nounou, il a chuté. Il s’est cogné la joue contre une table de ping-pong. C’est moi qui leur ai dit de raconter à la maîtresse que c’était moi». Pourquoi? On ne le saura pas. Sa consommation d’alcool qui lui est reprochée? «Jamais, uniquement du Café de Paris (ndlr. du Mousseux à 7%). Et le fond de teint pour camoufler les lésions? «Ça a été inventé». La magistrate de répliquer: «C’est votre ex (ndlr. pas la maman) qui le dit». Et de pousser encore le bouchon en évoquant certains éléments de son tableau clinique. La riposte du prévenu est peut-être la réponse: «Ça, c’est quelqu’un qui est fou, c’est pas moi!»
Le procès se poursuit avec le réquisitoire et les plaidoiries. Le verdict est attendu mardi 6 septembre.