Procès de l’attentat de Nice«Je connais mon mari. Faire du trafic d’armes, non»
Jeudi, la cour a entendu l’épouse de l’un des accusés de l’attentat de Nice. Celle-ci a affirmé que son époux était innocent.
«Pourquoi c’est compliqué de dire les choses?» demande le président de la cour d’assises spéciale au témoin. Au procès de l’attentat de Nice, le témoignage de la femme de Mohamed G., l’un des trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, a tourné jeudi au dialogue de sourds.
De nationalité finlandaise, Merle I., qui s’exprime en excellent français mais avec un accent prononcé, tente de répondre à toutes les questions, y compris celles parfois véhémentes d’avocats de parties civiles, mais ses cinq d’heures d’interrogatoire n’ont guère apporté d’éclaircissements sur la personnalité de son mari.
Elle clame l’innocence de son mari
Dès le début de son témoignage, Merle I., 54 ans, tient à proclamer «l’innocence» de son mari. Dès lors, sa déposition n’a de cesse de conforter son intime conviction. La question paraît sans importance tant elle semble éloignée de l’attentat au camion-bélier qui a coûté la vie de 86 personnes, à Nice, le soir du 14 juillet 2016, mais la cour la pose quand même: où le couple s’est-il rencontré?
«À Nice, en mai 2005», affirme Merle I. qui se définit comme «protestante luthérienne». Nice, vraiment? Mercredi, lors de son interrogatoire Mohamed G. avait fourni la même réponse. Tout irait bien si au cours de sa détention (entre 2016 et 2019), le Franco-Tunisien de 46 ans, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, n’avait indiqué à l’enquêtrice de personnalité qu’il avait rencontré sa future épouse dans l’hôtel où il travaillait à Sousse, en Tunisie.
«Vous n’avez pas rencontré pour la première fois votre futur mari en Tunisie?» insiste le président Laurent Raviot. Merle I., immobile à la barre dans un long pull rose pâle, ferme les yeux, semble réfléchir et répond un «non» timide. «Je sens une hésitation dans votre propos», commente le président. «Peut-être s’agit-il d’une autre femme…», murmure Merle I..
«Ça me choque»
Tout au long de son interrogatoire, elle va continuer à minimiser le rôle de son époux. «Mohamed L.-B. (le conducteur du camion-bélier) était juste une connaissance, pas un ami», soutient Merle I.. «Il n’est jamais rentré chez nous.» Amis d’enfance quand ils vivaient tous deux en Tunisie, L.-B, et Mohamed G. se sont retrouvés à Nice au début des années 2010. Outre de nombreux échanges téléphoniques, les enquêteurs ont relevé que Mohamed G. avait circulé à bord du camion de Mohamed L.-B. trois jours avant l’attentat.
Mohamed G. est également soupçonné d’avoir participé à la préparation de l’attentat en fournissant une «arme de poing hors d’usage» au futur tueur de la promenade des Anglais. L’accusé l’a toujours nié et s’est sans cesse défendu d’avoir eu connaissance des projets d’attentat de L.-B.. «Je connais mon mari. Faire du trafic d’armes, non», soutient Merle I.. Si le couple a acheté, la veille de l’attentat, une voiture à Mohamed L.-B., c’était uniquement «parce que c’était une bonne affaire», dit-elle.
Elle a menti à ses patients
Quand le président lui rappelle que les enquêteurs ont retrouvé dans le portable de L.-B., deux SMS, en langue arabe, datant du 10 janvier 2015 en provenance du téléphone de Mohamed G. approuvant les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, Merle I. répond: «Ça ne ressemble pas à mon mari». «Est-ce vraiment lui qui a envoyé ce message?» interroge-t-elle.
«On a connu une personne (Mohamed L.-B., ndlr) qui nous a aidés pour un déménagement, qui nous a donné une selle de vélo quand on a volé celle de mon mari et à qui on a acheté une voiture… et pour ça on est terroriste! (…) Ça me choque», s’indigne Merle I.
Mais ce qui va choquer les parties civiles, c’est sa réponse à la question d’une avocate : «En tant qu’hypnothérapeute avez-vous reçu des victimes de l’attentat ?». Merle I. hésite et répond «oui». «Leur avez-vous dit que vous étiez l’épouse d’un des accusés?» poursuit l’avocate. «Non», souffle le témoin. Un murmure d’indignation parcourt la salle d’audience.