ÉquateurPlus de 100 morts dans des affrontements en prison
Après d’énièmes affrontements meurtriers dans une prison, le président équatorien a décrété mercredi «l’état d’exception» dans toutes les prisons du pays.
Le président équatorien Guillermo Lasso a décrété mercredi «l’état d’exception» dans toutes les prisons d’Equateur, au lendemain d’un nouveau massacre entre gangs rivaux dans un centre pénitentiaire du sud-ouest du pays qui a fait au moins 116 morts.
«Les bilans nous disent qu’il y a 116 morts et près de 80 blessés. Tous sont des détenus», a déclaré le président équatorien lors d’une conférence de presse à Guayaquil (sud-ouest). Un précédent bilan émanant des services pénitentiaires (SNAI) faisait état de plus de 100 morts et 52 blessés. Ces derniers affrontements, les plus meurtriers cette année, ont eu lieu dans le vaste complexe carcéral de Guayas, à Guayaquil, ville portuaire et carrefour commercial.
Le président Lasso avait annoncé plus tôt mercredi avoir «décrété l’état d’exception dans tout le système carcéral au niveau national», alors que les prisons équatoriennes sont depuis des mois le théâtre de violences récurrentes entre groupes criminels liés au trafic de drogue.
«À Guayaquil, je présiderai le comité de sécurité chargé de coordonner les actions nécessaires pour contrôler l’urgence, en garantissant les droits humains de toutes les personnes impliquées», a déclaré Guillermo Lasso.
«Éclats de grenades»
En juillet, le chef de l’État avait déjà décrété «l’état d’urgence» dans les prisons, après la mort d’une vingtaine de détenus dans un nouvel accès de violences. Il avait alors promis «un processus de restructuration total du système carcéral», remplaçant le directeur de l’administration pénitentiaire par un militaire. «L’état d’exception» marque un cran supplémentaire dans l’action des autorités et une prise en main directe du sujet par le chef de l’État.
La police a annoncé être de nouveau prête à intervenir dans la prison «en raison d’une alerte sur de possibles nouveaux affrontements entre bandes criminelles». Selon le général Fausto Buenano, qui a dirigé les opérations pour reprendre le contrôle des bâtiments, les victimes portaient des «impacts de projectiles d’armes à feu et d’éclats de grenades», tandis qu’au moins six des prisonniers ont été décapités.
Mercredi, policiers à cheval et militaires surveillaient l’extérieur du complexe, où des dizaines de personnes cherchaient des informations sur leurs proches emprisonnés. «Nous voulons des informations parce que nous ne savons rien de nos familles, de nos enfants. J’ai mon fils ici», a déclaré à l’AFP une femme qui n’a pas révélé son identité.
Cartels mexicains
Cette nouvelle émeute vient rappeler que la «crise carcérale» perdure en Équateur, conséquence des rivalités meurtrières entre gangs de narcotrafiquants liés aux redoutables cartels mexicains de Sinaloa et Jalisco Nueva Generacion, expliquent les experts. Deux des gangs qui soutiennent ces cartels comptent environ 20’000 membres dans le pays, estime la police.
La violence est devenue quasi-permanente dans les prisons du pays de 17,7 millions d’habitants, situé entre la Colombie et le Pérou, les principaux producteurs mondiaux de cocaïne, et utilisé comme zone de transit pour l’expédition vers les États-Unis et l’Europe. «Quelque 3,5 milliards de dollars (3,25 milliards de francs, ndlr) par an sont blanchis en Équateur», où «les institutions publiques sont gangrénées par la corruption», rappelle à l’AFP Fernando Carrion, expert en sécurité.
Près de 116 tonnes de drogues, principalement de la cocaïne, ont été saisies entre janvier et août 2021, contre un record de 128 tonnes pour toute l’année 2020. «Il y a une crise carcérale depuis 2010, avec une moyenne de 25 homicides par an, mais elle s’est considérablement accélérée depuis 2017 jusqu’au pic de cette année», estime Fernando Carrion.
Attaque de drones
Un tiers des détenus «proviennent d’organisations criminelles liées au trafic international de drogue», précise cet expert. Avant les violences de mardi, le nombre de détenus qui se sont entretués derrière les barreaux en Équateur depuis début 2021 s’élevait à 123, selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) s’appuyant sur les chiffres officiels équatoriens.
Mi-septembre, l’un des bâtiments du pénitencier de Guayas avait été la cible d’une attaque de drones chargés d’explosifs depuis l’extérieur de l’établissement, qui n’avait pas fait de victime mais illustrait la «guerre entre cartels internationaux», selon les autorités. Le système pénitentiaire équatorien compte près de 65 prisons et quelques 39’000 détenus, pour une capacité d’environ 30’000 places, soit une surpopulation de 30%.