Guerre en UkrainePoutine ragaillardi par l’effritement du soutien occidental
Après l’échec de la contre-offensive ukrainienne et avec un soutien occidental qui se fissure, le président russe, Vladimir Poutine, sent que le temps joue en sa faveur.
En juin, un convoi de mercenaires de Wagner marchait sur Moscou. L’Ukraine, forte des livraisons d’armes occidentales, lançait une opération militaire d’ampleur pour tenter de reprendre les territoires occupés. Une chute brutale des revenus tirés des hydrocarbures avait aussi mis le budget russe en difficulté. Ces problèmes sont désormais de l’histoire ancienne pour Vladimir Poutine, qui se sent assez confiant pour se rendre mercredi aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, ses premiers voyages hors de chez ses alliés depuis que la Cour pénale internationale a émis contre lui un mandat d’arrêt international.
Sur le champ de bataille, la contre-offensive ukrainienne s’est brisée sur les lignes défensives russes et des tensions sont apparues au grand jour entre le président Volodymyr Zelensky et le chef d’état-major Valéry Zaloujny, qui a admis que la guerre était dans une «impasse». En Occident, la poursuite du soutien financier et militaire crucial pour l’Ukraine est désormais en question, objet de querelles politiques tant aux Etats-Unis qu’en Europe.
A l’intérieur du pays, les revenus pétroliers se sont redressés, toute opposition au Kremlin a été méthodiquement muselée et Vladimir Poutine se prépare à lancer en mars la campagne pour sa réélection, qui ne fait guère de doute. Selon des experts interrogés par l’AFP, tout cela donne au dirigeant russe un nouvel aplomb.
Apparitions publiques
«La Russie a connu une guerre exceptionnellement mauvaise, mais elle mise sur l’apathie de l’Occident et sur une diminution de son soutien. Elle pourrait avoir raison», abonde James Nixey, responsable du programme Russie et Eurasie du groupe de réflexion Chatham House. Vladimir Poutine présente son invasion de l’Ukraine comme un épisode dans la confrontation globale avec l’Occident et l’hégémonisme américain. Une confrontation, croit-il, que Moscou est en mesure de remporter.
Dans ce contexte, le voyage de M. Poutine au Moyen-Orient est un signe que la Russie se moque des tentatives de l’Occident de l’isoler sur la scène internationale. Vladimir Poutine a aussi multiplié les apparitions publiques à domicile. La semaine prochaine, il organise une conférence de presse doublée d’une session de questions-réponses avec la population, une grand-messe qui avait été annulée l’année dernière.
Risques à domicile
Les experts mettent toutefois en garde de ne pas surinterpréter la confiance retrouvée de M. Poutine, notamment pour le front ukrainien. «Les deux camps ont connu des hauts et des bas dans cette guerre, ont pris des morceaux de territoire et ont eu des tactiques de choc qui ont fonctionné. La situation est encore très équilibrée. Tout reste à faire», souligne M. Nixey.
La lassitude face à la guerre n’est d’ailleurs pas l’apanage exclusif de l’Occident, ajoute Gulnaz Sharafutdinova, directrice de l’Institut de la Russie au King’s College de Londres. «Bien que la Russie ait fait preuve de résilience économique et sociale à court terme, les tendances à long terme liées à la militarisation de l’économie sont loin d’être réjouissantes», explique-t-elle.
L’inflation, source d’angoisse au sein de la population russe, continue d’augmenter rapidement à mesure que Moscou déverse des milliards dans son effort de guerre. Mme Sharafutdinova affirme que le Kremlin est forcé de rester «en état d’alerte» face à l’éventualité d’un retour de bâton en raison des sacrifices consentis par les Russes, qui craignent aussi une nouvelle vague de mobilisation militaire après la présidentielle.
Le mécontentement d’épouses dont les maris ont été enrôlés, ainsi que la colère suscitée par les grâces accordées aux meurtriers et aux violeurs qui ont combattu en Ukraine, ont ébranlé le Kremlin au cours des dernières semaines. Sans faire changer de cap à M. Poutine. «Ils ne s’arrêteront pas», constate M. Etkind à propos de la stratégie du Kremlin en Ukraine. «Ils ne peuvent qu’être arrêtés.»