Qatar 2022L’Argentine passe mais joue à se faire peur
L’Albiceleste s’en est encore sortie de justesse face à l’Australie (2-1), samedi. Emmenée par les «Muchachos» de son public, elle verra les quarts du Mondial.
- par
- Florian Vaney Doha
«Je suis né en Argentine, terre de Diego et Lionel…» Loin des officiels «Hayya! Hayya» autotunés crachés en boucle par toutes les enceintes de Doha, ainsi débute le chant qui s’est emparé des coeurs à la Coupe du monde. Un appel à la prophétie qui embarque les indécis et berce l’âme des curieux. Qui unit les générations entre hommage et incantation. Le tube qui se sifflote le long de la Corniche et s’hurle debout au stade.
Pour la quatrième fois depuis le début de la compétition, le métro qatarien est passé samedi soir à la moulinette de celui qu’on appelle «Muchachos»: l’hymne officieux des Argentins né lors de la dernière Copa América et adoubé par Leo Messi himself. La bête est solide, mais elle a sans doute connu certains de ses trajets les plus chaotiques depuis sa mise en service il y a trois ans et demi. Son plafond a servi à frapper le rythme, son sol à amortir les sauts impossible à réfréner, ses portes à maintenir tant bien que mal une foule possédée à l’intérieur.
Un chant qui va droit au coeur
C’est que dans ses tripes, le chant possède tout ce qu’il faut pour toucher droit au cœur. Une mélodie entraînante sans cesse relancée par ce fameux «Muchachos», une référence à celui qui a été (Diego Maradona), une autre à celui qui est (Lionel Messi). Sur fond d’une Coupe du monde que le premier ne peut plus voir et que le second joue pour la dernière fois.
Les mots alimentent la prophétie. «Maintenant, on recommence à rêver», disent-ils. Rappel au dernier sacre mondial de l’Albiceleste, qui a fêté ses 36 ans cet été. Celui de la «Main de Dieu», du «But du siècle». Bref, d’une époque que les Argentins ne ramèneront pas à la vie. Mais à laquelle il s’agit d’offrir des lendemains glorieux, portés par les émotions d’un chant.
Il faut ça. Parce que sur le terrain, l’espoir de vivre l’année bénie ne tient qu’à un fil. L’équipe de Lionel Scaloni s’est extirpée mollement de la phase de groupes. Elle s’est cassée les dents sur des défenses regroupées plus qu’elle ne leur virevolté autour. Elle a goûté aux «hourras» de sa foule dans la souffrance plus qu’elle n’a pu s’en délecter. En fin de compte, elle n’a eu d’autres choix que de s’en remettre aux mains de l’objet de sa prophétie.
Lionel Messi, homme qui a fait rompre le Mexique, évité la paranoïa et la plus honteuse de sortie de route. Homme qui, samedi soir, a brisé le verrou australien d’un tir entre quatre paires de jambes. Le jour de son 1’000e match en carrière a rimé avec son 789e but en carrière. Anecdotique derrière la qualification de sa sélection pour les quarts de finale (2-1).
La manière peut passer au second plan
Lorsqu’on est embarqué dans une histoire pour l’Histoire, la manière peut bien passer au second plan. Ce sauvetage héroïque d’Emiliano Martinez dans les arrêts de jeu pour empêcher l’Australie d’inscrire le 2-2 s’effacera bien vite des mémoires. Quelques minutes plus tard, les dizaines de milliers d’Argentins du stade Ahmad Bin Ali reprenaient de plus belle. Sous leurs yeux, le chef d’orchestre s’appelait Leo Messi. De sa bouche sortait un large “Muchachos”. Que l’écho se chargeait de reprendre d’une seule voix vers le ciel.