Verdict à Nyon (VD)Son alcoolisme a tué deux de ses bébés: elle est jugée irresponsable
La mère renvoyée devant une Cour correctionnelle à Nyon (VD) est libérée de toute peine, à l’exception de la poursuite de ses traitements psychiatriques et addictologiques.
- par
- Evelyne Emeri
Le verdict est tombé ce mardi 19 juillet. Le Tribunal correctionnel d’arrondissement de La Côte a conclu à l’irresponsabilité de la maman dont l’alcoolisme a tué deux de ses bébés. Il a suivi le réquisitoire du parquet, la plaidoirie de la défense et l’avis des médecins qui l’avaient expertisée. La voilà exemptée de toute peine après avoir étouffé sa fillette de 5 mois il y a deux ans en s’endormant de tout son poids sur elle. Et ce, malgré un antécédent presque similaire en 2018 qui n’était pas le propos de ce procès.
Surveiller son abstinence
Les juges ont estimé que l’Anglaise de 39 ans ne pouvait pas être tenue pour responsable de ses actes: «Sa négligence, c’est de s’être massivement alcoolisée jusqu’à ne plus pouvoir garantir la sécurité de ses filles et prendre son bébé dans son lit plutôt que de le déposer dans son berceau». Ils préconisent dès lors la poursuite de ses différents traitements ambulatoires, psychiatriques et addictologiques, déjà en cours. De même que la surveillance de son abstinence.
Capable de s’arrêter
Tous s’écartent ainsi de la psychiatre (complément d’expertise) venue à la barre, plus nuancée, affirmant «que la mère sectorisait certains aspects de son parcours et qu’elle avait la capacité de différer sa consommation comme la veille des faits et reprendre le matin (ndlr. jour du décès de la seconde petite)». Pour l’ébriété au volant, elle avait retenu une responsabilité légèrement diminuée. La doctoresse avait décrit une patiente souffrant d’un trouble mixte de la personnalité et du comportement avec des traits borderline depuis la fin de son adolescence ou le début de l’âge adulte. C’est ce qui l’aurait poussée vers le «binge drinking» (ndlr. hyperalcoolisation rapide) afin de contenir ses angoisses.
Conditions réunies mais…
La quadragénaire était accusée d’homicide par négligence et de conduite en état d’incapacité (véhicule automobile, taux d’alcoolémie qualifié), subsidiairement d’actes commis en état d’irresponsabilité fautive. Si toutes les conditions de l’homicide par négligence étaient réunies au dire de la Cour, son irresponsabilité reconnue annule la possibilité de lui infliger toute sanction. S’agissant de la conduite en état d’ivresse et sous médicaments (somnifères et benzodiazépines), c’est le bénéfice du doute qui prévaut pour le Tribunal.
Des faits admis
Mardi dernier 12 juillet, cette mère – déjà poursuivie dans son pays pour ivresse au volant - était renvoyée devant la justice vaudoise. Elle était prévenue d’infractions graves et de faits gravissimes non contestés (ndlr. excepté l’alcool sur la route avec 1,93 g, admis seulement à l’arrêt): le 22 juillet 2020, son état éthylique était tel que, dans son ancien logement sur La Côte, elle avait asphyxié sa petite de 5 mois en s’affalant sur elle dans le lit conjugal avec 3,16 g d’alcool dans le sang. C’est l’aînée de 6 ans et demi qui avait réussi à dégager sa cadette, malheureusement trop tard.
Maman récidiviste
Au fil de l’audience, les médias (ndlr. le public avait été banni) avaient découvert, estomaqués, que l’effroyable tragédie de l’été 2020 n’était en réalité qu’un «remake de 2018», comme le qualifiera le procureur Jean-Marie Ruede. Un autre enfant d’un mois et demi est décédé dans des circonstances quasi similaires le 12 novembre 2018. L’asphyxie mécanique n’avait pas pu être établie avec certitude. Les légistes n’avaient pas pu écarter la mort subite du nourrisson, pas davantage un trouble du rythme cardiaque. L’affaire avait été tout simplement classée.
Pathologie à l’alcool
Si la maman était jugée à Nyon «uniquement» pour le drame de 2020, le décès de sa première petite fille un an et demi plus tôt avait flotté tout au long des débats. Le ministère public avait requis la poursuite des traitements ambulatoires aussi longtemps que nécessaire, la considérant pleinement irresponsable au vu de sa souffrance psychologique et de sa pathologie à l’alcool. Avocat de cette mère de quatre filles – dont les deux défuntes –, Me Patrick Sutter avait, pour sa part, demandé qu’elle soit libérée de toutes infractions.
Nouvelle naissance
Madame et son mari, également ressortissant britannique, ont quitté La Côte pour la région genevoise. Ils vivent avec leur aînée de 8 ans et demi, également suivie. En revanche, la petite dernière, née le 4 mai, a été placée en foyer dès sa naissance sur ordre des autorités judiciaires compétentes. Mandaté, le Service de protection des mineurs (SPMi) du canton de Genève assure le suivi de cette famille aisée.