FootballHumeur: Servette-LS, plaidoyer pour un derby
D’abord menacé d’être disputé à huis clos, le derby du Lac vivra et vivra bien ce dimanche (14h15), avec du monde, des émotions.
- par
- Daniel Visentini
Juste retour des choses: ni Servette ni Lausanne, ni la quasi-totalité de leurs supporters ne méritait le pire, un derby à huis clos. On en parle à la veille du choc avec un détachement soulagé, mais dans leur première prise de position, les autorités genevoises et vaudoises avaient indiqué, dans un étrange communiqué, qu’«en cas de nouvelle rencontre entre Lausanne-Sport et Servette cette saison, celle-ci se déroulera à huis clos.» Cette rencontre, qui devait fatalement avoir lieu, on le savait déjà, c’est ce dimanche.
Cette injuste punition qui frappait le derby faisait suite aux débordements du 9 décembre, en dehors du stade de la Tuilière, lors du derby en terres vaudoises et elle s’accompagnait de la fermeture des tribunes supporters et du gel des billets pour le prochain match des deux équipes (déjà purgée). C’était déjà cher payé.
Le bon sens parle
Ensuite, le bon sens a prévalu et il faut le souligner aussi. Le caractère inique de la punition suprême (le huis clos) a donc été brandi quelques semaines avant d’être révoqué. C’est bien comme cela. La sanction qui punit tout le monde pour les exactions d’une infime minorité, qui plus est en dehors de l’enceinte, n’est pas une sanction juste. Et puis, avoir privé une grande majorité des supporters lambda lors de Servette-Lugano et Lausanne-St-Gall (gel des billets, seuls les abonnés hors de tribunes supporters pouvaient être présents), était déjà une mesure qui suscitait l’interrogation à elle seule.
Au fond, la question de la sécurité est pertinente, bien sûr. Un match de football ne doit pas être le théâtre d’un affrontement lors duquel la police doit intervenir en tirant des balles en caoutchouc, fût-ce en dehors du stade.
Le foot pris en otage
Faire peser la responsabilité de quelques-uns sur tous, c’est sans doute promouvoir une sanction choc, pour que les mentalités évoluent, pour, peut-être seulement, attendre en retour une prise de conscience à l’intérieur même des mouvements ultras, qui seraient amenés à s’autoréguler.
Mais si le foot est parfois «confisqué» par une infime minorité de fauteurs de troubles, il ne doit pas non plus être pris en otage par les autorités dans leur lutte légitime contre les débordements.
Au final, le derby du Lac vivra donc. Et vivra bien. Tant mieux. Au moment où Servette brille et où Lausanne reprend des couleurs, il va y avoir au Stade de Genève un vrai match ce dimanche (14 h 15). Un derby avec du monde, secoué d’émotions fortes. Il y aura peut-être quelques fumigènes, pourquoi pas, il est des championnats étrangers où c’est autorisé. Mais il y aura surtout du public, une vie, des cris. Des chants. Et les ultras pour les conduire. Ce qu’il y a de problématique dans ces mouvements (les débordements occasionnés par quelques-uns seulement en marge des rencontres), ne doit pas occulter le meilleur: le souffle déployé par un kop pour porter un match, les animations, les tifos.
Un derby c’est tout cela: un mélange des sentiments, une rivalité inscrite dans l’histoire, des encouragements, des invectives. On ne peut pas, on ne doit pas l’oublier. Derrière la tendre haine qui s’empare des supporters, ou pas, il y a un moment fort, un match toujours spécial, un derby, quoi.
Le Servette-Lausanne de ce dimanche s’inscrit précisément dans ce cadre-là. Avec ses émotions. Toutes les émotions. Il faut bien sûr espérer que le bon sens l’emportera aussi chez les ultras des deux camps. S’affronter verbalement est une chose, vouloir en découdre autrement, physiquement, serait un autogoal absurde.
Place au match, maintenant qu’il est en droit de vivre pleinement.