SantéL’Espagne en passe de créer un «congé menstruel» inédit en Europe
Le Parlement espagnol a fait un premier pas vers un congé pour les femmes qui souffrent de règles douloureuses. Ce texte prévoit aussi de renforcer l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics.
![«Nous reconnaissons la santé menstruelle comme faisant partie du droit à la santé», a argumenté la ministre espagnole de l’Égalité, Irene Montero. «Nous reconnaissons la santé menstruelle comme faisant partie du droit à la santé», a argumenté la ministre espagnole de l’Égalité, Irene Montero.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/2fd81249-24d5-4221-9b93-1b4213232835.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1024%2C682&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=cfe62fbbdabe32996c84c3d9ff8c1f73)
«Nous reconnaissons la santé menstruelle comme faisant partie du droit à la santé», a argumenté la ministre espagnole de l’Égalité, Irene Montero.
AFPLes députés espagnols ont adopté en première lecture, jeudi, un projet de loi créant un «congé menstruel» pour les femmes souffrant de règles douloureuses, une mesure inédite en Europe destinée, selon le gouvernement de gauche, à briser un tabou. Ce projet de loi – adopté avec 190 voix favorables, 154 contre et cinq abstentions – va devoir désormais être voté par le Sénat et revenir à la Chambre des députés en cas de modification lors de son passage par la chambre haute, avant de devenir loi.
«Cette législature est une législature de conquêtes féministes», s’est félicitée, devant les députés, la ministre de l’Égalité, Irene Montero, du parti de gauche radicale Podemos, allié des socialistes du Premier ministre Pedro Sanchez au sein du gouvernement. «Nous reconnaissons la santé menstruelle comme faisant partie du droit à la santé et nous combattons la stigmatisation et le silence.»
Un «effet contraire» pour les femmes?
Si Irene Montero avait indiqué, au printemps, que l’arrêt maladie que pourront accorder les médecins aux femmes souffrant de règles douloureuses «n’aurait pas de durée limite», aucune précision ne figure dans le projet de loi à ce sujet. Lorsque ce texte sera adopté définitivement, l’Espagne deviendra le premier pays en Europe et l’un des rares dans le monde à intégrer cette mesure dans sa législation, à l’instar notamment du Japon, de l’Indonésie ou de la Zambie.
Ce «congé» a toutefois suscité des réticences au sein de l’aile socialiste du gouvernement et a été critiqué par le syndicat UGT. Cette centrale syndicale, l’une des deux grandes du pays, s’inquiète d’un possible frein à l’embauche des femmes de la part d’employeurs voulant éviter ces absences. Cette loi «va provoquer un effet contraire pour les femmes» entraînant «marginalisations, stigmatisations» et «conséquences négatives sur le marché du travail», a dénoncé l’opposition de droite du Parti populaire (PP), par la voix de la députée Marta Gonzalez Vazquez.
Zurich ouvre la voie
Début décembre, le conseil municipal de la Ville de Zurich a lui aussi adopté un texte visant à la création d’un congé menstruel. Le projet, qui a été adopté de justesse par les élus, porte sur cinq jours par mois. Ce congé devrait bénéficier notamment aux femmes qui souffrent d’endométriose ou de règles douloureuses, mais il est aussi ouvert aux personnes transgenres et non binaires.
Avortements dans les hôpitaux publics
Ce «congé menstruel» est l’une des mesures phares d’un projet de loi beaucoup plus large, prévoyant également de renforcer l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics, qui pratiquent moins de 15% des IVG dans le pays, en raison, notamment, d’une objection de conscience massive des médecins. Actuellement, des femmes doivent donc parcourir des centaines de kilomètres pour avorter dans certaines zones face au manque de services publics et à l’absence de cliniques spécialisées à proximité.
Ce texte doit également permettre aux mineures d’avorter sans l’autorisation de leurs parents à 16 et 17 ans, en revenant sur une obligation instaurée par un précédent gouvernement conservateur, en 2015. L’avortement a été dépénalisé en Espagne en 1985, puis légalisé en 2010, mais l’IVG reste un droit semé d’embûches dans ce pays de tradition catholique. Ce projet de loi prévoit aussi un renforcement de l’éducation sexuelle dans les écoles, ainsi que la distribution gratuite de moyens contraceptifs ou de produits d’hygiène menstruelle dans les lycées.
L’Espagne est un pays considéré comme une référence en matière de droits des femmes en Europe, notamment depuis l’adoption, en 2004, d’une loi sur les violences de genre. Se revendiquant féministe, le gouvernement Sanchez compte plus de femmes que d’hommes.