ViticultureLa production de vin dans le monde n’a plus été aussi basse depuis 1961
Mildiou, gel, pluie et sécheresse ont fait chuter la production vinicole mondiale de 7% en 2023. Résultat: la France redevient le premier fournisseur de vin au monde, devant l’Italie.
Entre gels précoces, pluies diluviennes, mildiou ou sécheresses, la production mondiale de vin a chuté cette année de 7%, à son plus bas niveau depuis 1961, selon une estimation de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) publiée mardi. La France, avec une production stable, redevient au passage le premier fournisseur de vin au monde devant l’Italie, où la production a chuté de 12%, relève l’OIV dans sa première évaluation des vendanges 2023.
Viticultrice depuis plus de vingt ans à Loreto Aprutino dans le centre de l’Italie, Antonella di Tonno, 43 ans, n’a ainsi jamais vécu des vendanges aussi calamiteuses, avec des tempêtes de grêle et de longues périodes de pluies torrentielles suivies d’une grande sécheresse. Fin juin, «un violent orage de grêle s’est abattu sur un de nos vignobles de Montepulciano d’Abruzzo, de six hectares, détruisant en quelques minutes 60% de sa production», raconte la propriétaire du domaine viticole Talamonti.
Phénomènes disparates
Feuilles jaunies et desséchées, grappes de raisin couvertes de moisissure blanche: un autre fléau dû à des pluies associées à la chaleur, le mildiou, une maladie provoquée par des champignons, s’est attaqué à la vigne cultivée sur 44 hectares sur les pentes du massif du Gran Sasso, dans les Apennins. «Nous avons subi une baisse de 25% de notre production, raisins rouges et blancs confondus, contre une moyenne de 40% dans notre région, les Abruzzes. On s’en sort plutôt bien grâce à des instruments de précision comme des capteurs d’humidité», assure-t-elle.
Les phénomènes qui ont affecté la vigne cette année sont très disparates et il n’a pas encore été démontré qu’ils étaient directement liés au changement climatique, assure Inaki Garcia de Cortazar-Atauri, de l’institut de recherche agronomique Inrae. Les conséquences des fortes pluies en Italie, par exemple, sont aussi liées à l’artificialisation des sols, explique ce spécialiste de l’impact du changement climatique sur l’agriculture.
La Corse, le Cognac et la Champagne s’en sortent bien
La production de vin devrait au total atteindre entre 241,7 et 246 millions d’hectolitres, selon des informations collectées par l’OIV dans 29 pays représentant 94% de la production mondiale. Dans l’hémisphère Nord, à l’instar de l’Italie, la production viticole a particulièrement pâti de divers aléas en Espagne (-14%) et en Grèce (-45%).
En France, même si la production se stabilise dans son ensemble, le Bordelais et la région du sud-ouest ont fait face à la propagation du mildiou tandis que le Languedoc-Roussillon a été affecté par des vagues de chaleur et la sécheresse. Des volumes «particulièrement importants» sont en revanche attendus dans le Cognac, en Corse et en Champagne, souligne l’OIV.
Rééquilibrer le marché
Dans l’hémisphère Sud, l’Australie (-24%), l’Argentine (-23%), le Chili (-20%) et l’Afrique du Sud (-10%) ont été particulièrement touchés. Quelques pays ont tiré leur épingle du jeu, à commencer par les États-Unis (+12%), qui conservent leur place de 4e fournisseur mondial, à la faveur de températures fraîches et de fortes pluies hivernales dans les régions viticoles de Napa et de Sonoma.
La baisse de la production n’est toutefois pas forcément une mauvaise nouvelle, relève l’OIV. «Avec une consommation mondiale en déclin et des stocks élevés dans de nombreuses régions du monde, cette faible production attendue pourrait rééquilibrer le marché mondial», souligne l’organisation.