PatrimoineUne démolition controversée jugée «incompréhensible» à Bienne
Le démantèlement de l’ancienne usine Mikron fait des mécontents regroupés dans un comité.
- par
- Vincent Donzé
«Reusine», c’est le nom d’un comité qui s’est formé spontanément pendant la démolition en cours de l’ancienne usine Mikron, à Bienne. La restructuration de cette fabrique de machines ne date pas d’hier, mais c’est la préservation du patrimoine qui est en jeu, comme l’a rapporté «Le Journal du Jura». Avec d’autres marques d’outillage et d’horlogerie, Mikron a contribué à façonner le visage de Bienne.
Mikron a construit son usine en 1958 à l’occasion de son 50e anniversaire. Depuis, l’entreprise a quitté Bienne. Le site Mikron appelé le Brühlhof a été conçu à Bienne comme «un véritable château fort ouvrier», comme l’écrit le guide indépendant Matthias Grütter, spécialiste de l’architecture biennoise.
«Mikron Kosmos»
Le fondateur du site «parcours-bielbienne.ch» a édité dans l’urgence et à compte d’auteur un livret illustré intitulé «Mikron Kosmos» en «hommage à un bâtiment industriel», comme le précise le sous-titre. Avant sa démolition, cette ancienne fabrique abritait un «biotope socioculturel et économique» dès le début des années 90, comme l’écrit Matthias Grütter.
Architectes, graphistes, photographes ou danseurs, une centaine d’acteurs économiques et culturels ont dû quitter un labyrinthe de bâtiments qui servaient aussi aux représentations culturelles de l’association «Montags um sieben».
«Beaucoup de peine»
«Cette démolition me fait beaucoup de peine», a confié au «Journal du Jura» le directeur de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage, Raimund Rodewald, président de l’association «FreundInnen Montags um sieben». C’est lui qui a fondé le comité «Reusine» avec sept personnes, dont l’architecte Ivo Thalmann et l’historienne Margrit Wick: «Il faut des lieux qui puissent raconter leur histoire», a-t-il dit.
«Stop à la démolition du patrimoine industriel biennois», prône le comité «Reusine», qui compte un millier de membres engagés pour la sauvegarde des bâtiments industriels. Leur intervention est trop tardive pour l’usine Mikron, d’autant qu’elle ne figure pas dans la liste des bâtiments protégés, mais le maire Erich Fehr a accepté de rencontrer ses représentants le 19 janvier prochain.
Liste de 35 lieux
«Il est incompréhensible de voir comment la ville traite son patrimoine industriel», estime «Reusine». Ce comité a dressé une liste de 35 lieux qui illustrent l’histoire économique biennoise. Beaucoup ont disparu, comme celui de l’horloger Mido intégré en 1983 au futur Swatch Group, celui de la fabrique de pianos Burger & Jacobi fermée en 1987 et celui des Tréfileries Réunies, détruits en grande partie en 1999.
Le comité «Reusine» exige de la Ville une nouvelle approche des bâtiments industriels, sans pour autant réclamer leur conservation systématique et ad aeternam. «On ne peut pas tout sauver, mais la Ville n’a pas de concept», observe Raimund Rodewald. Jusqu’ici, la Municipalité s’est appuyée sur l’inventaire cantonal des sites dignes de conservation ou de protection.
Le comité «Reusine» travaille actuellement à l’élaboration d’un dossier pour chaque objet, en prenant langue avec les propriétaires. Responsable de l’urbanisme à Bienne, Florence Schmoll a fait savoir que son service «suit avec intérêt les développements actuels sur le thème de la construction durable et adaptée au climat», sans prendre position avant l’échange du 19 janvier.