TélévisionFrédéric Recrosio: «Dans les séries, la référence absolue c’est Transparent»
L’humoriste romand a écrit sa première série TV, «La vie devant», diffusée les 8 et 15 novembre sur RTS1.
- par
- Laurent Flückiger
«La vie devant», ce sont des tranches du quotidien de plusieurs membres d’un même clan, comme la mère, Valeria (jouée par l’actrice française Audrey Dana) ou l’ami de la famille, Jean (Carlos Leal). Leurs jours sont presque paisibles jusqu’à ce qu’un drame les amène à se poser des questions plus essentielles.
Cette série TV touchante de 6 épisodes de 45 minutes, tournée à Vevey et ses environs et à voir les mardis 8 et 15 novembre sur RTS 1, c’est Frédéric Recrosio qui l’a écrite. Et plutôt bien. L’humoriste romand se rapproche ainsi toujours plus de son but: réaliser, un jour, une fiction.
Écrire une série TV, c’est un rêve que vous aviez depuis longtemps, non?
C’est un processus que j’ai amorcé depuis assez longtemps. J’aime beaucoup écrire de la fiction, car ça permet de développer des personnages, des enjeux, des ambiances qui dépassent ce que je fais avec mes monologues en spectacle. Il y a quelque chose à visiter qui me semble infini. Et j’ai toujours voulu faire aux autres ce qu’on m’a fait à moi. Quand j’étais jeune et que je voyais des gens sur scène m’amuser, j’avais envie de produire cet effet. Quand je mangeais de la bonne charcuterie, j’avais envie d’en faire à mon tour (ndlr.: il a lancé un saucisson avec le chef Philippe Ligron).
Vous aviez goûté au monde des séries il y a dix ans en jouant dans la série RTS «L’heure du secret», ça a fait partie de ce processus?
Oui, je ne l’ai pas fait innocemment. J’ai vraiment envie d’écrire et de réaliser de la fiction. Avec «L’heure du secret», je me rapprochais ainsi de la caméra pour voir comment se fabrique une série. J’ai été très troublé de découvrir, pour un comédien, les différences avec l’immédiat de la scène. La seconde chose bouleversante a été de se retrouver au milieu d’une équipe, de vivre la solidarité, alors que je suis un solitaire.
Pourquoi n’avoir pas réalisé «La vie devant»?
C’était un peu tactique. J’ai envie de réaliser, mais j’ai envie de le faire quand je suis à l’aise avec l’enjeu. Chaque expérience m’en rapproche un peu plus. Et ça a été salutaire que ça ne se fasse pas cette fois. Je ne sais pas comment j’aurais fait pour réécrire des scènes la nuit et aller sur le plateau le lendemain. J’ai compris qu’un scénariste dessine les plans de la maison puis il y a des gens qui la construisent. Je n’ai pas voulu voir les rushes. J’ai tellement visualisé ce projet que ce que j’allais voir allait forcément différer, et je ne me voyais pas commenter ça.
Qu’avez-vous pensé du résultat final?
C’était déconcertant. Il y a des choses qui ont opéré comme je l’espérais et d’autres que je n’avais pas vu venir.
Vous dites que les comédies que vous préférez sont celles où on ne rit pas tant que ça. Expliquez-nous.
J’aime l’humour qui traite de questions insolubles, ça m’amuse car ce sont les questions qu’on se pose quand on a réglé les autres problèmes, c’est un peu un luxe. On rit mais il y a quelque chose qui n’est pas réglable. Pour ce projet, la formule «comédie triste» exprime le mariage des approches. J’ai jeté un regard amusé sur ces personnages, on les trouve un peu chou et à baffer, et Klaudia (ndlr.: Reynicke Candeloro, la réalisatrice) a trouvé leur dimension poignante.
Quelles sont les séries que vous aimez?
La référence absolue, c’est «Transparent». On suit des gens qui sont un peu comme nous, des fois plus malins, des fois plus cons. À force de faire des mauvais choix, ils nous attendrissent. J’adore aussi «Better Things» pour le mélange cruauté et soleil.
La RTS diffuse les six épisodes de «La vie devant» en deux soirées de trois épisodes, les 8 et 15 novembre. Que pensez-vous de cette décision?
On doit tous prendre des décisions qui concernent nos domaines. J’ai pris les miennes, la diffusion appartient au diffuseur. Je crois que le calendrier de la Coupe du monde au Qatar y est pour beaucoup. C’est rude, mais voilà… Faut se préparer pour une soirée où, devant vous, vous aurez un gros gâteau.
Prenez-vous autant de plaisir à écrire une série qu’un spectacle?
Il y a plusieurs types de projets. Pour les seul en scène, j’ai toujours attendu d’avoir assez vécu pour en faire quelque chose. C’est d’ailleurs pour cela que mon dernier date de 2014. Si j’en écrivais tous les deux ans je tricherais. Il y a les spectacles de commentaires d’actualité, comme les revues, où la matière existe déjà. Enfin, les séries, où là tu peux aller chercher dans l’intégralité de ce que tu as lu, vu, vécu pour raconter les histoires de gens que tu inventes. Il y a beaucoup de plaisir dans les trois, à condition de pouvoir passer de l’un à l’autre.
Aujourd’hui, vous avez vécu assez de nouvelles choses pour en faire un nouveau spectacle?
Oui: nouveau solo, l’année prochaine! Je suis content car j’ai vraiment trouvé une bonne manière de raconter quelque chose. En avançant dans la vie notre avis change. C’est très déconcertant de se rendre compte que si, dans le passé, on avait tort, on risque de l’avoir aussi aujourd’hui. En gros, on se contredit tous les cinq ans et… c’est super! (Rires.)
«La vie devant» sur RTS 1, le mardi 8 novembre dès 21 h (3 épisodes) et le mardi 15 novembre dès 21 h (3 épisodes). Déjà accessible en intégralité sur Play Suisse