Pêche: Les filets fantômes, fléau invisible des océans

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PêcheLes filets fantômes, fléau invisible des océans

«Engins de mort» omniprésents dans les océans, les engins de pêche perdus ou abandonnés piègent les animaux marins et polluent les plages du monde entier. Ils finissent parfois dans les musées.

Qu’il soit perdu ou volontairement abandonné, le filet peut piéger tortues, phoques, baleines, dauphins et oiseaux de mer.

Qu’il soit perdu ou volontairement abandonné, le filet peut piéger tortues, phoques, baleines, dauphins et oiseaux de mer.

AFP

Le problème est connu depuis les années 1960, quand les flottes de pêche ont commencé à troquer leurs filets en fibre naturelle pour le plastique. Plus efficaces et plus maniables, les engins de pêche (casiers, sennes, chaluts, filets) ont aussi vu leur espérance de vie en mer s’accroître considérablement. Qu’il soit perdu ou volontairement abandonné, le filet en nylon va dès lors rester pêchant pendant des mois, voire des années, piégeant tortues, phoques, baleines, dauphins et oiseaux de mer.

«Ce sont des engins de mort, qui ont une durée de vie extrêmement longue, les macrodéchets les plus importants dans l’océan», décrit Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, dont l’association mène des campagnes de récupération de filets fantômes. En septembre 2021, les agents du parc naturel marin d’Iroise avaient ainsi remonté, au large de Douarnenez, en Bretagne, un filet fantôme de 200 mètres de long, dans lequel de nombreux crustacés s’étaient retrouvés piégés.

Autant de pertes pour la biodiversité et… pour les pêcheurs. «Les pêcheurs savent très bien qu’un filet qui est au fond continue à pêcher, donc c’est autant de prises potentielles qui sont perdues», témoigne Livier Schweyer, technicien de l’environnement au Parc marin, qui ajoute que les pêcheurs partenaires du parc signalent généralement l’engin perdu et sa localisation.

Pour autant, le phénomène est difficile à quantifier. «C’est le problème du milieu marin: beaucoup de données nous échappent. Les filets fantômes portent bien leur nom», résume Livier Schweyer.

Bientôt un filet biodégradable?

L’estimation, souvent reprise, de 640’000 tonnes d’engins de pêche perdus ou abandonnés par an est sans doute exagérée, selon une étude. Il n’en reste pas moins que le problème est omniprésent dans tous les océans du monde. Une enquête de sciences participatives a ainsi permis de recenser 27’000 engins ou débris d’engins de pêche sur le littoral français en seulement deux ans, entre la Bretagne et les Hauts-de-France.

Pour limiter les dégâts, les chercheurs travaillent sur des projets de filets biodégradables. À Lorient, toujours en Bretagne, le projet «Indigo» a ainsi permis d’élaborer un prototype de filet pour l’aquaculture, biodégradable en milieu marin. Mais son équivalent pour la pêche côtière n’a pas encore pu voir le jour.

«Les pêcheurs savent très bien qu’un filet qui est au fond continue à pêcher, donc c’est autant de prises potentielles qui sont perdues.»

Livier Schweyer, technicien de l’environnement

«On n’y est pas en termes de résistance», explique Morgan Deroiné, ingénieure à l’Institut régional des matériaux avancés (Irma). «Les plastiques biodégradables n’ont pas les mêmes propriétés que le nylon, qui, lui, est très, très résistant.»

Non loin de là, à Brest, l’entreprise Fil&Fab tente, elle, de structurer une filière de recyclage de filets avec les ports français. «On recycle la matière en granulés et on la revend aux industriels de la plasturgie», explique Théo Desprez, qui évalue le marché français entre 800 et 1000 tonnes par an.

Une fibre artistique

À l’autre bout du monde, c’est un mouvement artistique qui a émergé suite au déferlement de filets fantômes, portés par les courants marins sur les côtes du nord de l’Australie. Baptisé «L’art des Ghostnets», il est décrit dans un ouvrage récent par Géraldine Le Roux, anthropologue à l’Université de Bretagne occidentale.

Face à la masse de filets récoltés, les communautés locales ont en effet dû trouver des moyens de recycler ces mégadéchets dans des territoires insulaires, éloignés des grands centres urbains. En «transformant radicalement» les filets, «jusqu’à transformer la matière elle-même», des artistes, autochtones ou non, ont créé une grande variété d’œuvres, ensuite exposées à la Biennale de Sydney ou au Musée océanographique de Monaco.

(AFP)

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