AfghanistanNeuf capitales provinciales tombées aux mains des talibans
La résistance historique du nord du pays s’effrite. Le chef de l’État afghan Ashraf Ghani se déplace à Mazar-i-Sharif, assiégée, pour y organiser la riposte.
Le président afghan, Ashraf Ghani, est arrivé mercredi à Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord de l’Afghanistan assiégée par les talibans, pour tenter de coordonner la riposte face aux insurgés qui contrôlent désormais plus d’un quart des capitales provinciales du pays.
Les talibans ont conquis dans la nuit Faizabad, capitale de la province du Badakhshan, dans laquelle ils n’avaient jamais pu pénétrer lors de leur ascension vers le pouvoir dans les années 1990.
Ils contrôlent désormais neuf des 34 capitales provinciales de l’Afghanistan, toutes tombées comme des dominos, dont sept situées dans le nord au pays, une région qui leur avait pourtant toujours résisté.
Les forces de sécurité «ont quitté Faizabad et se sont retirées (dans des districts proches). Les talibans ont maintenant pris la ville. Les deux camps ont subi de fortes pertes», a déclaré à l’AFP Zabihullah Attiq, député du Badakhshan.
«Ils ont décapité mon fils»
Abdulmanan, un autre déplacé de Kunduz, a raconté à l’AFP que les talibans avaient décapité l’un de ses fils. Ils l’ont attrapé «comme si c’était un mouton, lui ont coupé la tête avec un couteau et l’ont jetée».
Ces affirmations ne pouvaient être vérifiées de manière indépendante par l’AFP. Les talibans nient commettre de quelconques atrocités dans les territoires qui passent sous leur contrôle.
Quand ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001, ils avaient imposé leur version ultra-rigoriste de la loi islamique.
Les femmes avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin et de travailler, et les filles d’aller à l’école. Les femmes accusées de crimes comme l’adultère étaient fouettées et lapidées à mort.
À Kunduz, déjà tombée deux fois aux mains des insurgés, en 2015, pour deux semaines, et en 2016, pour seulement une journée, les stigmates des combats étaient encore visibles sur les murs des commerces.
«Les Afghans doivent se battre»
M. Ghani devait ainsi vraisemblablement s’entretenir avec Mohammad Atta Noor, l’ex-gouverneur de la province de Balkh, dont Mazar-i-Sharif est la capitale, homme fort du nord depuis longtemps, qui a promis de résister «jusqu’à la dernière goutte de sang», ainsi qu’avec Abdul Rachid Dostom, son ancien vice-président.
Des images publiées dans la nuit sur les réseaux sociaux montraient le maréchal Dostom, puissant dirigeant d’ethnie ouzbèke, embarquer dans un avion pour Mazar-i-Sharif avec un large contingent d’hommes armés.
Washington agacé
Washington cache de moins en moins son agacement face à la faiblesse de l’armée de Kaboul, que les Américains forment, financent et équipent depuis des années.
Le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a ainsi souligné que les forces gouvernementales étaient «très supérieures en nombre» aux talibans, et qu’elles avaient «le potentiel d’infliger des pertes plus importantes». «Cette idée que l’avancée des talibans ne peut pas être arrêtée», «ce n’est pas la réalité du terrain», a-t-il estimé.
Alors que les combats font aussi rage dans le sud, autour de Kandahar et dans Lashkar Gah, deux fiefs des insurgés, Doha a accueilli mardi une réunion internationale avec des représentants du Qatar, des États-Unis, de Chine, du Royaume-Uni, de l’Ouzbékistan, du Pakistan, des Nations Unies et de l’Union européenne.
Les échanges se prolongeaient mercredi, l’émissaire américain Zalmay Khalilzad devant exhorter les talibans «à cesser leur offensive militaire et à négocier un accord politique».
Des dizaines de milliers de civils en fuite
Le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans s’est ouvert en septembre dernier au Qatar, dans le cadre de l’accord conclu en février 2020 entre les insurgés et Washington prévoyant le départ total des troupes étrangères d’Afghanistan. Mais les discussions sont au point mort.
Les violences ont poussé des dizaines de milliers de civils à fuir leur foyer dans tout le pays, les talibans étant accusés de nombreuses atrocités dans les endroits passés sous leur coupe.
Quelque 359’000 personnes ont été déplacées en Afghanistan à cause des combats depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).