DubaïMonarques, carbone et dollars: une COP28 hors norme commence
La 28e conférence des Nations Unies sur le changement climatique s’ouvre ce jeudi à Dubaï. Les Émirats et l’ONU espérant une COP aussi historique que celle de Paris en 2015.
Les Émirats ont vu les choses en grand: le petit pays pétrolier du Golfe a dépensé sans compter pour accueillir à partir de jeudi la 28e conférence des Nations Unies sur le changement climatique, censée inciter les pays à passer la vitesse supérieure sur la transition énergétique.
Aux portes du désert, à Dubaï, le site de l’Exposition universelle de 2020 devient pour deux semaines le cœur battant de la diplomatie climatique, les Émirats et l’ONU espérant une COP aussi historique que celle de Paris en 2015. «C’est la COP la plus importante depuis Paris», a déclaré le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell, mercredi. «Nous avançons aujourd’hui à petits pas, alors qu’on attend des pas de géant.»
C’est la deuxième fois qu’un pays du Golfe accueille une COP, après le Qatar en 2012. Les conférences de l’ONU Climat changent généralement de continent chaque année; il y a deux ans, les pays d’Asie Pacifique avaient désigné les Émirats pour cette COP.
Conflits d’intérêts?
Mais le président de la COP28, Sultan Al Jaber, également directeur général de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, est sous le feu des critiques après la publication par la BBC et le Centre for Climate Reporting de notes internes de préparation de réunions officielles énumérant des arguments pour la promotion des projets d’Adnoc à l’étranger. «Je n’ai jamais, jamais vu ces éléments de langage», s’est-il défendu mercredi.
Si des personnalités et ONG crient au scandale, un boycott de la COP28 n’est pas à l’ordre du jour, tant les enjeux sont vertigineux et évidents à la fin d’une année de surchauffe météo.
Plus de 97’000 personnes (délégations, médias, ONG, lobbys, organisateurs, techniciens…) sont accréditées, deux fois plus que l’an dernier, et environ 180 chefs d’États et de gouvernements sont attendus selon les organisateurs d’ici le 12 décembre, fin théorique de la conférence.
Charles, Israël et Palestiniens
Le pape François, grippé, a annulé sa venue, mais plus de 140 dirigeants défileront à la tribune vendredi et samedi, après la journée cérémoniale d’ouverture jeudi, pour des discours de quelques minutes censés donner une impulsion politique aux négociations byzantines qui occuperont les délégations pendant deux semaines. Le roi Charles III s’exprimera vendredi en ouverture de ce sommet de dirigeants, sans Joe Biden, remplacé par sa vice-présidente Kamala Harris, ni Xi Jinping.
Alors que chaque soir depuis vendredi dernier, des otages israéliens ont été relâchés par le Hamas et des détenus palestiniens libérés par Israël, le président israélien Isaac Herzog et le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pourraient se croiser car ils sont inscrits pour s’exprimer à quelques minutes d’intervalle vendredi.
Les Émiratis préparent pour ce week-end inaugural un déluge d’engagements volontaires d’États pour, par exemple, tripler les renouvelables d’ici 2030 ou doper les aides financières des pays riches vers les plus vulnérables. Le tapis rouge a aussi été déroulé pour les entreprises, qui multiplieront les annonces.
Mais seuls les textes officiels adoptés pendant la COP, dans le méticuleux processus onusien où le consensus est obligatoire, auront une force comparable à ce que l’accord de Paris fut. Un fiasco n’est pas à exclure, tant les résistances à parler explicitement des énergies fossiles sont fortes chez certains pays producteurs. «C’est au fruit qu’on juge l’arbre», a lancé mercredi John Kerry, l’émissaire américain pour le climat, interrogé sur les chances de réussite de la COP28.
Les COP inutiles?
La question est légitime, puisque depuis la COP21 et l’accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter. Mais alors qu’on tablait à l’époque sur 16% d’augmentation d’ici 2030, l’ONU Environnement ramène désormais la hausse à 2%.
Ce ralentissement n’est pas attribuable au seul texte mais la transition énergétique est indéniablement engagée, bien que plaçant toujours le monde sur une trajectoire de réchauffement invivable.
Depuis 2015, une centaine de pays se sont engagés à la neutralité carbone, le solaire est devenu l’énergie la moins chère pour générer de l’électricité, le pic de la demande en énergies fossiles est en vue cette décennie et l’Agence internationale de l’énergie s’attend à ce que plus du tiers des voitures neuves dans le monde soient électriques en 2030, un scénario impensable avant 2015.