Bande dessinée«L’art de la guerre»: Floc’h rend un hommage époustouflant à Blake & Mortimer
Le dessinateur et ses scénaristes, Fromental et Bocquet, signent une aventure superbe, simple et efficace se déroulant à New York. L’album sort ce vendredi 27 octobre.
- par
- Laurent Siebenmann
Quatre ans après l’extraordinaire «Dernier Pharaon» dessiné par François Schuiten, Blake et Mortimer reviennent dans une nouvelle aventure hors-série: «L’art de la guerre», référence au livre homonyme de Sun Tzu.
Sorte d’exercice de style pratiqué dans cette collection parallèle dite «Un autre regard», cet album scénarisé par Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet (déjà signataires du récent «Huit heures à Berlin», épisode, lui, s’inscrivant dans la série traditionnelle) est mis en image par une pointure de la bande dessinée, l’immense Floc’h.
Sans trop dévoiler le scénario de «L’art de la guerre», histoire de préserver quelques surprises, disons qu’il se déroule peu après les événements de «La marque jaune» et exclusivement à New York, où Blake et Mortimer vont tenter d’empêcher un attentat contre l’ONU. Le lecteur va alors assister à une course contre la montre dans les rues de la Grosse Pomme et ses environs.
Tout au long des 119 pages qui composent ce récit linéaire, la première chose qui séduit est de voir à quel point le style graphique de Floc’h s’adapte parfaitement à l’univers des deux héros créés par Edgar P. Jacobs. Mieux, le dessinateur pratique une forme d’épure qui apporte une modernité, une fraîcheur et une lisibilité merveilleuses. Le résultat est splendide.
«Les reprises sont une aberration. C’est comme mettre les vêtements d’un autre, explique Floc’h. J’ai bien conscience qu’on arrive pas à la cheville de Jacobs. On ne peut pas approcher ces titans de l’âge d’or de la bande dessinée, tels Hergé, Jijé, Milton Caniff ou Alex Raymond. Ma génération est celle de la contre-culture qui peut, ou veut, faire les choses avec du recul, de l’ironie, beaucoup plus de liberté et de légèreté.»
Et des libertés, Floc’h en prend beaucoup, par rapport au style de Jacobs. Il ose, par exemple, proposer des cases très grandes, peu nombreuses par pages. La beauté de son dessin en est que plus magnifiée. Avec la complicité de ses scénaristes, l’artiste propose également un album, porté par un scénario efficace, qui ne déborde pas de textes descriptifs, tels que les pratiquait Jacobs et dont abusent parfois ses successeurs.
«Pour garder l’esprit des albums de Blake et Mortimer, il n’y a pas besoin d’épouser les tics narratifs de Jacobs. La moindre perte d’élan peut être fatale à l’avancée de la lecture. Et elle suit à coup sûr un dialogue ampoulé ou simplement trop copieux. La densité, voilà ce qui compte. N’écrire et ne dessiner que ce qui est nécessaire», analyse Floc’h.
«L’art de la guerre» ne donne pas, non plus, dans la science-fiction. C’est bien une enquête policière à laquelle Blake et Mortimer – ce dernier est le personnage préféré de Floc’h – participent activement. Chaque page réserve surprises et dessins superbes, aux couleurs chatoyantes, vives, qui tranchent avec la colorimétrie habituelle des albums classiques. «La bande dessinée sera pop ou ne sera pas!», dit l’artiste.
Refusant de faire allégeance à Edgar P. Jacobs, Floc’h, Fromental et Bocquet lui rendent, pour autant, un hommage magnifique avec cet «Art de la guerre» tout en simplicité et en efficacité qui restera, hélas, un exercice unique, le dessinateur précisant bien qu’il n’y reviendrait pas. «Je me suis lancé dans cette aventure née sans doute par esprit de contradiction mais aussi de mon agacement face aux créations post-Jacobs», lâche Floc’h. Bien lui en a pris, by Jove!