FranceAu procès Bygmalion, Lavrilleux dément être «le deus ex machina»
L’ex-directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, Jérôme Lavrilleux a nié avoir connu les processus mis en place pour limiter le budget de campagne de Sarkozy.
Il n’est pas «le deus ex machina de tout ça»: au procès en appel du dossier Bygmalion, l’ex-directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 a déclaré jeudi avoir été informé, uniquement après le second tour, du système destiné à masquer l’explosion des dépenses.
À la barre, Jérôme Lavrilleux, aujourd’hui âgé de 54 ans, conteste avoir été celui qui a mis en place le «système de ventilation» des dépenses électorales, consistant à en imputer à l’UMP (devenu Les Républicains) pour les sortir du budget officiel de la campagne. À l’époque de cette campagne, il était aussi directeur de cabinet de Jean-François Copé, patron de l’UMP.
Il est le seul responsable du parti à avoir admis avoir couvert le système de double facturation mis en place pour éviter que les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy dépassent le montant légal autorisé, fixé alors à 22,5 millions d’euros. En mai 2014, il avait contribué à révéler le scandale lors d’une mémorable interview à BFMTV.
Pas de détournement
En première instance, en septembre 2021, Jérôme Lavrilleux a été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis, ainsi que trois ans d’inéligibilité, pour complicité d’escroquerie, abus de confiance et complicité de financement illégal de campagne. L’ancien chef de l’État a, lui, été condamné à un an de prison ferme pour avoir dépassé le plafond légal de dépenses de sa campagne, qui avaient atteint près de 43 millions d’euros.
Les deux hommes comparaissent depuis le 8 novembre devant la cour d’appel de Paris, au côté de huit autres prévenus. «La culpabilité que je reconnais, c’est que quand je suis informé, je ne m’y oppose pas», déclare devant la cour d’appel celui qui est redevenu en juillet 2022 assistant parlementaire d’un député.
«Après le 6 mai, quand on vient me présenter l’équation qu’on ne peut pas résoudre et qu’on me propose de la résoudre, je dis ok», développe-t-il un peu plus tard, précisant que selon lui «personne» n’avait «détourné d’argent» dans cette affaire.
«Engrenage terrible»
«Ma faute est inexcusable, elle est importante», reconnaît-il. «Mais je ne peux pas être présenté tout le temps comme le deus ex machina de tout ça», poursuit-il, expliquant qu’en tant que directeur de cabinet de Jean-François Copé, il n’avait «pas de pouvoir administratif, financier» ni «de ressources humaines».
«Je ne détermine pas le budget, je ne détermine pas les grandes enveloppes de dépenses, je ne donne pas des ordres», insiste l’ex-député européen, veste grise sur pantalon beige et baskets. De même, «j’étais, après le 1er mars, directeur adjoint de cette campagne, sans participer ni de près ni de loin à la définition de la stratégie», explique-t-il.
«On nous envoie à la boucherie»
A-t-il toutefois réalisé que les dépenses s’emballaient pendant la campagne? «J’avais conscience qu’on ne pouvait pas tenir cette campagne à ce rythme», admet-il. «Pour moi, l’acte matériel qui montre qu’il n’y aura plus de retenue c’est quand on nous demande d’organiser un meeting par jour», le 19 mars, précise-t-il ensuite. «On nous envoie à la boucherie», lance-t-il.
Au total, 43 meetings seront organisés, alors qu’au départ il n’était prévu d’en faire que quatre ou cinq. «Tout le monde est dans un engrenage terrible, on se dit «l’important c’est de gagner et on verra plus tard», explique-t-il.
«J’ai manqué de lucidité»
À l’époque, «ma sensibilité c’est «comment on fait pour obéir à la demande du candidat… qui est de dire «demain, je suis là», «après-demain je suis là», après-après-demain je suis là»», relate Jérôme Lavrilleux, soulignant avoir «fini la campagne avec une minerve».
N’aurait-il pas pu alerter le président de la République? «J’ai manqué de lucidité, de courage», confesse-t-il, assurant par ailleurs avoir caché à Jean-François Copé les manœuvres pour le «protéger». Mais en fin de compte, avec ce système, «tout est fait au profit du candidat, Nicolas Sarkozy», lâche-t-il.