FootballPour Thuram, les joueurs blancs doivent faire plus contre le racisme
Lilian Thuram sortait vendredi la version anglaise de son dernier livre, «La pensée blanche». Il a partagé dans une interview plusieurs clés pour combattre le racisme.
- par
- Thibaud Oberli
«Quand on comprend l’histoire, on comprend que le racisme a toujours été une escroquerie.» Cet extrait est tiré d’une longue interview de Lilian Thuram, qui présentait jeudi au Guardian la version anglaise de son livre, «La pensée blanche».
Le champion du monde 1998 est très actif dans la lutte contre le racisme. Il y a notamment consacré sa fondation, mise en place en 2008, ainsi que plusieurs ouvrages. Un travail reconnu notamment par des institutions comme l’Université de Stirling ou encore celle de Stockholm.
L’importance d’en parler
Le recordman de sélections en équipe de France (142) évoque le dialogue comme un outil crucial pour faire évoluer la situation. «Si nous devons parler de racisme, c’est avec les Blancs qu’il faut le faire. C’est comme pour le sexisme, les personnes qui doivent être éduquées sont les hommes et les garçons», soutient l’ancien défenseur.
L’idée est de comprendre l’origine de la situation: «Pourquoi disons-nous qu’il y a des Blancs et des non-Blancs? Si vous ne connaissez pas les raisons, vous ne serez pas en mesure de comprendre pourquoi les préjugés existent. Les gens doivent connaître l’histoire de la racialisation du monde», continue le natif de Guadeloupe. C’est d’ailleurs lorsqu’il est parti de son île natale à 9 ans, qu’il est, selon ses dires, «devenu noir» à travers le regard posé sur lui.
Enlever les masques
Pour expliciter ses propos, il brandit une métaphore utilisant la figure du masque, peut-être un clin d’œil aux travaux du philosophe martiniquais Frantz Fanon. «Pour les enlever (les masques), il faut connaître l’histoire de ces identités liées à la couleur de la peau, les hiérarchies sociales qui ont été conçues. […] Le racisme a toujours été une construction politique visant à briser les liens de solidarité entre les êtres humains, afin d’exploiter certaines personnes pour qu’une minorité puisse s’enrichir», analyse-t-il, en se penchant sur l’origine de la pensée raciale, qui tire ses racines dans la colonisation.
Et le foot dans tout ça?
Si l’ouvrage ne porte pas spécifiquement sur le football, le Français accorde à ce sport un potentiel de changement important. Mais selon lui, il y a peu à attendre des institutions: «Le changement ne vient jamais d’abord des autorités.» Il prend comme exemple le football italien, où les chants racistes étaient très présents lors de son arrivée en 1997, et persistent largement de nos jours.
Pour lui, l’impact doit se faire par la base. S’il salue le genou à terre maintenu dans le football anglais, qui «encourage les gens à réfléchir», il appelle aussi à plus d’implication de la part des joueurs blancs. «Très souvent, les joueurs qui sont les cibles du racisme se voient demander: «Que devrions-nous faire à ce sujet?» C’est très hypocrite, car cela suggère que c’est à eux de trouver des solutions comme s’ils étaient le problème. C’est aux joueurs blancs, qui sont généralement majoritaires, de refuser de jouer», déclarait-il au journal anglais. Une manière d’obliger les instances à prendre des mesures concrètes et non plus superficielles.
Comme exemple, Lilian Thuram cite le capitaine des Reds Jordan Henderson, notamment lorsqu’il a pris la parole pour dénoncer les abus racistes sur internet. «Les joueurs comme lui donnent l’exemple. Il n’est pas neutre, il a compris que ce n’était pas la responsabilité de la minorité de personnes qui sont les cibles du racisme de le condamner. Ne rien dire, c’est cautionner la violence qu’est le racisme.»