FootballJugement attendu pour Platini et Blatter
Après six ans d’enquête et deux semaines de procès pour escroquerie en Suisse, Michel Platini et l’ex-président de la Fifa Sepp Blatter connaîtront leur jugement vendredi.
À 10 h 00 locales, la présidente du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone (sud-est) scellera le sort des deux ex-dirigeants. Le parquet a requis mi-juin un an et huit mois de prison avec sursis, bien en dessous des cinq ans d’emprisonnement qu’ils encourent.
Mis en cause dans d’autres affaires pénales mais jugés pour la première fois, le Français de 67 ans et le Suisse de 86 ans ont chacun plaidé l’acquittement, eux qui clament leur innocence et voient dans ce dossier une manipulation destinée à les écarter du pouvoir.
Pendant des années, la défense s’est évertuée à ramener dans les débats un possible rôle en coulisses de Gianni Infantino, ancien bras droit de Michel Platini à l’UEFA, puis élu inattendu début 2016 à la présidence de la Fifa – qui paraissait promise à son ancien chef.
Mais si Gianni Infantino est visé depuis 2020 par une procédure distincte pour trois rencontres secrètes en 2016 et 2017 avec l’ancien chef du parquet suisse, jamais les magistrats n’ont joint les deux dossiers, rendant judiciairement hors sujet tout soupçon de complot.
«Accord de gentlemen»
Seule comptera donc, dans le jugement des trois magistrats, la «tromperie» reprochée aux deux accusés, soit le paiement par la Fifa de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) à l’ex-N.10 des Bleus en 2011, avec l’appui de Sepp Blatter.
Défense et parquet s’accordent sur un point: le Français a bien conseillé le Suisse entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de ce dernier à la tête de la Fifa, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d’une rémunération annuelle de 300’000 francs suisses, intégralement payée par la Fifa. Mais en janvier 2011, l’ancien milieu de terrain – devenu dans l’intervalle président de l’UEFA (2007-2015) – «a fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses», qualifiée de «fausse facture» par l’accusation.
Les deux hommes martèlent de leur côté qu’ils avaient dès l’origine décidé d’un salaire annuel d’un million de francs suisses, par un «accord de gentlemen» oral et sans témoins, sans que les finances de la Fifa n’en permettent le versement immédiat à Michel Platini.
Le Français «valait son million», a assuré Sepp Blatter aux magistrats, avant que Michel Platini ne décrive à son tour une négociation si peu formalisée qu’il n’avait pas précisé la devise: «Moi pour rigoler, j’ai dit +des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c’est toi qui décides+», a raconté la légende des Bleus.
L’ombre de la corruption
Mais dans ses réquisitions, le procureur Thomas Hildbrand a souligné la contradiction avec le contrat de 1999, le contraste avec les pratiques habituelles de l’instance et plus généralement celles du monde du travail, et il a surtout exhumé des rapports d’audit de la Fifa.
Même si l’organisation de Zurich avait payé un million de francs suisses à Platini dès 1999, elle aurait encore eu «plus de 21 millions de francs de trésorerie», des réserves montées à 327 millions en 2002, a rappelé le magistrat.
Outre la crédibilité des différentes versions, sur laquelle devrait se jouer le procès, un mystère demeure: celui de l’éventuel mobile de Sepp Blatter pour une escroquerie qui ne lui a pas rapporté un centime, a souligné sa défense.
Prudemment, Thomas Hildbrand a rappelé le soutien apporté par Michel Platini et le comité exécutif de l’UEFA à la réélection de Blatter à un quatrième mandat, fin mai 2011. «La question de savoir si ce paiement est en relation avec l’élection doit rester ouverte, en l’absence de preuve convaincante», a reconnu le procureur, laissant néanmoins planer dans le prétoire l’ombre de la corruption.