Interview – Soprano: «Ma folie des grandeurs, c’est ma force»

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InterviewSoprano: «Ma folie des grandeurs, c’est ma force»

Le chanteur marseillais réussit le pari de rassembler un large public en rendant hommage à ses années 80. Un blind test géant à ne pas rater le 4 juin 2022 au stade de la Pontaise à Lausanne. Rencontre.

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Interview: Laurent Flückiger Tournage et montage: Bastien Vago

Le 10 septembre dernier, Soprano avait droit à sa propre émission sur TF1: «Retour dans les années 80». Entre des sketches en compagnie de Camille Combal, le chanteur qui remplit des stades reprenait des tubes de cette époque où il était encore enfant. On n’a pas tenu longtemps. Puis on a écouté l’album, «Chasseur d’étoiles», qui promettait d’être un hommage à, toujours, la même période, avant de rencontrer le chanteur quelques jours plus tard à Lausanne.

Contre toute attente, on a pris notre pied. En 16 titres, Soprano multiplie les références à sa jeunesse, et donc à la nôtre. Très vite le disque devient un blind test géant où on reconnaît des morceaux comme «Maniac» de Michael Sembello, Sophie Marceau est invitée à la «La boum» et les New Kids on the Block sont là. Il y a même la technique du hokuto de Ken le survivant («Bruce Lee»)! Les enfants – une partie importante de ses fans – seront, eux, emmenés par des rythmes qu’ils ont l’habitude d’entendre dans la musique d’aujourd’hui. Avec «Chasseur d’étoiles», Soprano réussit encore une fois à toucher un large public, familial même, qui ne voudra sans doute pas rater le premier concert de sa tournée 2022 qui s’arrêtera le 4 juin à Lausanne.

Soprano, avec «Chasseur d’étoiles», on peut parler d’album concept. Comment est venue l’idée?

Cela fait deux ou trois ans que je ne vois que des trucs des années 80 autour de moi, à la TV, dans l’habillement, dans la typo, dans la musique, bien sûr, que ce soit avec Christine and the Queens, The Weeknd, Dua Lipa ou Bruno Mars. C’est en découvrant ma fille regarder «Stranger Things», une série qui a pourtant mes références – «E.T.», «Les Goonies», etc. – que je me suis dit: la boucle est bouclée. Avec ce style, qui me plaît beaucoup parce que c’est toute mon enfance, je vais me régaler, je vais m’amuser, on va replonger dans cette époque tout en restant moderne. Et encore, je crois que la modernité, c’est d’être dans ce style, c’est ce qui fait frais, stylé et fun.

Les chansons de l’album font des clins d’œil très appuyés à des morceaux qu’on connaît. Pourquoi ne pas choisir carrément de faire des reprises?

Le seul titre que je voulais qui soit presque une reprise c’est «Près des étoiles». Parce que c’est le premier morceau et il annonce ce que tu vas écouter. Il n’y a pas plus années 80 que la mélodie de Gold «Un peu plus près des étoiles». Je voulais beaucoup de références. «Dingue» te fait penser à la rythmique de «Maniac» mais ce n’est pas la même, «Bébé Love» rappelle Phil Collins et «Le grand bleu» aurait pu être sur le premier album de MC Solaar.

Il y a l’idée de jouer avec l’auditeur, de lui faire une sorte de blind test?

Oui! C’est ce que je voulais, dans les sons mais aussi dans les paroles: il y a des phrases qui sont tout droit sorties de films que j’aime. Je me suis pris la tête, parfois.

C’est l’album pop ultime: de la musique pop sur des références pop, non?

La culture pop, c’est toute mon enfance. Ma mère m’interdisait de sortir, alors chez moi je n’ai bouffé que des clips, des séries, des films, de la radio. Le «Club Dorothée», je le connais par cœur. On se fait un blind test des années 80, je vais te dire le titre, je vais te dire le compo… Tout!

Dans «Dingue», vous dites: «Mes albums me servent de thérapie et quand je tombe ma famille, c’est ma pharmacie.»

Toute mon équipe, c’est ma famille. Il y a mon cousin, mon frère, mon autre cousin, ma sœur travaille désormais avec nous, mon meilleur ami est mon manager, on était en 6e ensemble. Quand je ne vais pas bien, ils sont là, quand eux ne vont pas bien, je suis là. En France, on fait beaucoup de chansons qui tournent autour de la dépression. Et quand quelqu’un fait un morceau fun, positif, on dit qu’il fait du commercial. Pourquoi? C’est pesant pour moi. Mais je ne peux pas critiquer, j’ai passé la moitié de ma carrière à être dépressif. Quand j’ai eu mes enfants, quand j’ai eu le succès, j’ai commencé à me relever et à me battre pour pouvoir ramener quelque chose de positif dans la musique et dans ma vie du quotidien. Ma folie des grandeurs, c’est ma force.

«La culture pop, c’est toute mon enfance.»

Soprano

«NKOTB» fait référence au rap du passé. Qu’est-ce qui vous plaisait?

C’était fun, peace, love. Pas dur. On avait envie de s’amuser, de se lâcher. Mais attention: après, j’ai adoré Snoop Dogg!

Quel est votre meilleur souvenir de boum?

C’était dans une maison pour tous, dans mon quartier. Il y avait Boyz II Men qui venaient de sortir leur morceau qui cartonnait et je me rappelle que j’étais quelqu’un d’antislow. Le Wu-Tang commençait à arriver, et moi j’étais en mode bob sur la tête, des habits très larges. Mais j’ai quand même eu un slow. C’était la première fois de ma vie. Et je me suis dit qu’en fin de compte, c’est pas mal aussi d’être un canard. (Rires.)

Comment elle s’appelait?

Je ne me rappelle pas! (Il ricane.) Ça fait longtemps! J’hésite entre deux noms mais je ne me rappelle plus. Je te dis la vérité.

Dans votre jeunesse, MC Solaar a été l’un des artistes qui vous a permis de faire de la musique. C’est pour cela que c’était important de l’inviter sur un morceau («Le grand bleu»)?

Oui, surtout sur un album concept. Avec Djaresma, avec qui je travaille, on avait déjà fait la compo et j’avais déjà posé mon texte et mon refrain. Quand on a commencé à faire une rythmique, ça faisait penser à un album de MC Solaar. Encore plus quand le sample est arrivé. J’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai envoyé un message pour savoir s’il voulait interpréter ce morceau avec moi. Il l’a trouvé super et il est venu à Marseille. Quand il a sorti sa feuille et a commencé à poser, on était comme des enfants. C’est un rêve de gosse. Je respecte les anciens, MC Solaar, NTM, IAM, Assassin. Ce sont des groupes qui ont fait qu’aujourd’hui je peux faire une interview avec toi. Ils se sont battus à une époque où on disait que le rap était une mode qui allait passer.

Vous serez le 4 juin 2022 en concert au stade de la Pontaise à Lausanne. À quoi le public pourra assister?

Un grand vaisseau va atterrir sur scène dans le stade. Le truc particulier, c’est que le public va participer au show. On a disposé des scènes partout. C’est un peu comme un parc d’attractions: les gens vont être au milieu et verront le concert où qu’ils tournent la tête. Cela fait longtemps que je cherchais une solution pour être proche du public. On est en train de travailler dessus avec le metteur en scène Julien Mairesse, et les gens vont le découvrir en premier au stade de la Pontaise, début de la tournée.

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